Après avoir été boudé au profit de sa rivale la margarine, le beurre trône en roi sur la table depuis quelques années. Sa consommation au pays est passée de 2,77 kg par personne en 2014 à 3,33 kg en 2018, selon Agriculture et Agroalimentaire Canada.

Cette hausse marquée a toutefois donné du fil à retordre aux producteurs laitiers, qui ont investi 700 millions de dollars dans leurs fermes l’an dernier, notamment pour faire face à cette demande grandissante. « En termes de production, ç’a quand même été un gros défi pour nos producteurs, affirme François Dumontier, directeur des communications et des affaires publiques des Producteurs de lait du Québec. On est habitués à des croissances à un certain rythme. [Pour faire face à celle-ci] il faut des animaux, il faut faire de la place dans des étables. »

Avec une telle croissance, le scénario d’une pénurie de beurre est-il envisageable à l’approche des Fêtes ? En 2015, la Commission canadienne du lait avait donné le feu vert à l’importation de tonnes de beurre supplémentaires pour pallier la demande. Ces importations sont généralement destinées aux industriels, qui s’en servent pour fabriquer des biscuits et des gâteaux.

Cette année toutefois, on ne risque pas de jouer dans le même film, selon M. Dumontier.

On a pris les mesures pour suivre la croissance. On a relevé ce défi-là haut la main.

François Dumontier, directeur des communications et des affaires publiques des Producteurs de lait du Québec

Par ailleurs, en ce qui concerne la hausse de popularité du produit, les campagnes de publicité et le slogan « Avec du beurre, c’est bien meilleur » semblent avoir porté leurs fruits. Mais il semble que c’est la science qui aurait « réhabilité les gras laitiers », estime François Dumontier.

« Choisir de meilleurs gras »

Marie-Josée LeBlanc, chargée de cours à la faculté de médecine et au département de nutrition de l’Université de Montréal, partage cet avis. « Je peux vous dire que la littérature, elle ne nous dit pas de limiter nos gras, soutient-elle. Elle nous dit de choisir plutôt de meilleurs gras. »

Je suis de l’école de la naturalité du produit. Le beurre, la crème, je suis plus favorable à ça qu’à un produit qui serait hautement transformé, par exemple la margarine.

Marie-Josée LeBlanc, chargée de cours à la faculté de médecine et au département de nutrition de l’Université de Montréal

Les chefs qui utilisent le beurre sans honte auraient également contribué à cette hausse de popularité. « Les matières grasses et la bonne bouffe sont revenues à la mode, souligne Catherine Brodeur, vice-présidente aux études économiques du Groupe AGÉCO. C’est le mouvement du goût. Le goût est beaucoup dans le gras. »

L’industrie en profite

Ce mouvement, la Laiterie Chagnon, située à Waterloo, en profite. L’entreprise a décidé de se lancer dans les beurres spécialisés : à la fleur de sel, à l’ail… « On laisse le marché de commodité aux grands de ce monde, explique André Michaud, porte-parole de la Laiterie Chagnon. C’est plus dur pour la grande industrie de faire des produits de niche. »

Du côté des grands producteurs de beurre, comme Natrel, on affirme que le retour du gras laitier s’observe par une augmentation des ventes de beurre. On a toutefois refusé de nous fournir des chiffres.