Ils sont braves, ils sont audacieux, ils sont visionnaires. Mais ils sont aussi tourmentés. Études à l’appui, la détresse psychologique chez les entrepreneurs est une préoccupation croissante.

71,5 %

Selon un sondage mené pour le Regroupement des jeunes chambres de commerce du Québec auprès de 300 entrepreneurs, 71,5 % des répondants étaient en « détresse psychologique élevée ». L’étude Une face cachée de l’entrepreneuriat au Québec : la détresse psychologique chez les entrepreneurs a été publiée en 2018. Plus du tiers des répondants souffraient de symptômes associés à la dépression.

Prédispositions

« Je dis souvent à la blague : essayez de trouver un entrepreneur qui n’a pas un enjeu de santé mentale », soulève Martin Enault, président de l’organisme Revivre, qui a lui-même fondé plusieurs entreprises et qui lutte chaque jour contre l’anxiété, la dépression et les crises de panique. « Il faut que tu sois un peu fou pour mettre de côté ta famille, tes amis, ce que tu as acquis, et dire : je vais me lancer en affaires au risque de tout perdre. Les entrepreneurs ont tous une tendance excessive. »

62 %

Selon des données publiées en juin 2019, les deux tiers des propriétaires d’entreprises canadiennes se sentent déprimés au moins une fois par semaine. Quelque 500 entrepreneurs canadiens ont été sondés par l’Association canadienne pour la santé mentale (ACSM), appuyée par la Banque de développement du Canada.

Ils ont reçu un diagnostic

Parmi les 500 entrepreneurs qui ont répondu au sondage de l’ACSM, 28 % ont indiqué qu’ils avaient reçu un diagnostic de troubles de l’humeur ou de troubles anxieux au cours des 12 derniers mois ou qu’ils avaient éprouvé un problème de santé mentale. Un chiffre supérieur au 20 % observé dans la population générale.

Seul au combat

Les facteurs de stress liés à la gestion d’une entreprise (problèmes de finances, de vente, d’administration, avec les employés et les fournisseurs) peuvent prédire l’épuisement professionnel, notamment le sentiment de solitude ressenti par les entrepreneurs. C’est ce qu’ont découvert des chercheurs de l’Université du Québec à Trois-Rivières et de l’Université de Montpellier en 2016 après avoir sondé 377 propriétaires de PME en France.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Martin Enault, président de l’organisme Revivre

J’ai démarré mes premières entreprises à 16 ans. J’ai tout perdu à plusieurs reprises. Je me suis mis dans des contextes impossibles à plusieurs reprises. C’est presque impossible de ne pas développer des enjeux de dépression et d’anxiété quand il y a la banque qui te refuse un prêt, que tu perds un contrat et que tu ne peux pas payer tes employés. Ces événements sont traumatisants et font que tu tombes de plus en plus en burn-out.

Martin Enault, président de l’organisme Revivre

L’échec de l’entreprise, c’est très personnel. C’est l’échec de ta vie. Alors tu te caches, parce que tu n’as pas envie de t’expliquer, de te justifier aux connaissances et aux ex-collègues.

Réponse anonyme d’un entrepreneur en dépression au questionnaire de l’étude du Regroupement des jeunes chambres de commerce du Québec

Un tabou à briser

Fin novembre, le sujet de la santé mentale sera abordé pour la première fois lors d’un atelier à l’École d’entrepreneurship de Beauce, qui est pourtant un collège à l’avant-garde. 

Martin Enault est d’avis que les entrepreneurs commencent à s’ouvrir, parce que la situation actuelle ne peut plus continuer. « Les investisseurs disent : “Je n’investis pas si tu n’es pas la personne la plus stable au monde, mais je veux que tu sois assez fou pour me ramener un retour d’investissement de 4000 %.” Cette dynamique est impossible à concilier. »