(Washington) Assèchement de liquidités, emballement des taux d’emprunts à un jour : de brusques tensions ont agité le marché interbancaire cette semaine et conduit la Fed à prendre des mesures exceptionnelles qui pourraient s’installer dans la durée.

Décrit d’abord par les acteurs financiers comme un incident de plomberie « temporaire » affectant les circuits du financement à court terme des entreprises et des banques, le manque de liquidités s’est installé.

Vendredi, la Fed de New York a encore injecté 75 milliards de dollars sur le marché interbancaire, soit à peu près le montant demandé alors que les deux jours précédents ses interventions étaient un peu en dessous des besoins.

Au total, la Banque centrale aura avancé près de 300 milliards de dollars cette semaine.

Ces tensions ont provoqué une dichotomie entre les taux d’emprunt au jour le jour sur le marché des prises de fonds en pension (repo) utilisé pour les besoins de financement quotidien des banques et des entreprises et le taux directeur de la Fed. Celle-ci a dû intervenir massivement pour garder le contrôle du coût du crédit qu’elle veut conserver à un bas niveau (entre 1,75 % et 2 %).

Le Comité monétaire de la Fed a d’ailleurs encore baissé mercredi d’un quart de point de pourcentage ce taux directeur censé orienter tous les autres crédits, pour soutenir la croissance.

Pas comparable

C’est la première fois depuis la crise financière il y a dix ans que la Banque centrale a dû ainsi faire le pompier. Mais ses représentants se sont empressés d’assurer que la situation n’était pas comparable et que les couacs étaient seulement « techniques ».

Jerome Powell, le président de la Fed, a minimisé dès mercredi les préoccupations concernant ce manque de liquidités, assurant qu’il n’avait « pas d’incidences » sur l’économie ou la politique monétaire.

Selon lui, plusieurs facteurs techniques expliquent ces problèmes, dont une échéance d’impôts pour les entreprises cherchant massivement des liquidités ainsi qu’un important paiement de coupons de bons du Trésor.

Son lieutenant Richard Clarida, numéro deux de la Fed, a enchaîné vendredi assurant que « l’économie était en très bonne » forme et que les tensions sur le marché repo « étaient l’indication d’ajustements en cours ».  

Malgré les propos rassurants de ses dirigeants, l’institut d’émission a décidé de continuer à ouvrir les vannes. Après sa quatrième injection de liquidités de la semaine vendredi, la Fed de New York a indiqué qu’elle était prête à intervenir sur le marché tous les jours au moins jusqu’au 10 octobre jusqu’à hauteur de 75 milliards de dollars.

Jerome Powell a aussi évoqué un possible regonflement du bilan de la Fed, permettant davantage de réserves, alors qu’elle vient de faire le chemin inverse depuis deux ans, se délestant des actifs acquis massivement après la crise de 2008 pour soutenir la reprise.

« Vu toutes les règles en place après la crise financière, cela a rendu le crédit intermédiaire et le recyclage des liquidités plus difficile », a noté Karl Harling de la banque LBBW. « La Fed va devoir regonfler son bilan et maintenir un plus haut niveau de réserves », a-t-il diagnostiqué.

Mais vendredi, le patron de la Fed de New York John Williams a indiqué au Financial Times que le rôle des banques était aussi examiné dans cette affaire.

« Ce sur quoi nous devons nous concentrer aujourd’hui ce n’est pas tant le niveau des réserves (détenues par la Fed), mais le fonctionnement du marché », a-t-il indiqué au journal signalant que la Banque centrale cherchait à comprendre pourquoi certaines banques disposant de liquidités hésitaient à prêter de l’argent sur le marché des prises de fonds en pension.

Pour certains, ces tensions sur les taux étaient l’opportunité de juteux profits, relevaient par ailleurs certains gestionnaires de portefeuille.

« Pour les fournisseurs de liquidités comme nous », la journée de mardi « a été excellente » quand les taux sur le contrat de rachat repo étaient quasiment trois fois supérieurs au taux directeur de la Fed, a déclaré à Marketwatch, John McColley, chez Columbia Threadneedle Investments.

« La où les taux étaient de 2 % au cours des derniers mois, ils ont atteint soudainement 5 %. Voilà de l’argent à faire », a-t-il lancé.