(Ottawa) Un tribunal du commerce a accepté d’examiner le projet du gouvernement fédéral d’ajouter un troisième chantier maritime à sa stratégie de construction navale de plusieurs milliards de dollars, à la suite d’allégations selon lesquelles le processus serait truqué en faveur du chantier naval québécois Davie.

Cependant, on ignore dans quelle mesure le Tribunal canadien du commerce extérieur pourra examiner l’affaire étant donné que les libéraux ont récemment restreint sa capacité à enquêter sur les achats importants du gouvernement pour des raisons de sécurité nationale.

Heddle Marine, une société de Hamilton, en Ontario, a d’abord demandé au tribunal d’ouvrir une enquête le mois dernier, alléguant que certains critères de sélection pour la troisième entreprise qui complétera la Stratégie nationale de construction navale semblaient avoir pour objectif de disqualifier tous les candidats, à l’exception du chantier maritime Davie, de Lévis.

Le gouvernement fédéral a par la suite modifié certaines des exigences, notamment une disposition relative à la taille des navires qui, affirmait Heddle, risquait de la disqualifier.

Malgré les changements, Heddle a affirmé au tribunal qu’il souhaitait toujours la suspension du processus de recherche d’un troisième chantier naval en attendant les résultats d’une enquête visant à déterminer si le processus était biaisé en faveur de Davie.

Dans une lettre au chantier Heddle, le tribunal a déclaré qu’il avait décidé de mener une enquête sur la plainte. Cependant, il a rejeté la demande de l’entreprise ontarienne de suspendre la recherche du troisième chantier naval, affirmant qu’il s’attendait à ce que son enquête se termine avant l’attribution du contrat.

Le président de Heddle, Shaun Padulo, a salué la décision du tribunal. Il a affirmé en entrevue que son chantier naval souhaitait avoir une chance de remporter le droit de devenir le troisième joueur qui sera responsable de construire six brise-glace pour la garde côtière.

Le chantier Heddle s’est associé à la société néerlandaise Damen Shipyards dans sa candidature qui a été présentée la semaine dernière.

Un parti pris ?

Appelé à dire pourquoi il maintenait sa plainte malgré les nouvelles exigences, M. Padulo a déclaré qu’il souhaitait que le tribunal donne « une vue objective » des critères initiaux.

« Même après les amendements, je suis toujours préoccupé par ce que nous avons perçu comme un parti pris pour Davie », a-t-il fait valoir.

Services publics et Approvisionnement Canada n’a pas répondu aux demandes pour commenter ce dossier mardi. Le ministère doit répondre à la plainte de Heddle dans les 25 jours suivant sa réception.

Dans une déclaration, le porte-parole de Davie, Frédérik Boisvert, a affirmé que le chantier naval québécois était au courant de la plainte de Heddle auprès du tribunal de commerce et évaluait ses options.

M. Boisvert a fait valoir que les plaintes auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur doivent être fondées uniquement sur des informations factuelles et pertinentes, et que le tribunal ne doit pas être utilisé comme un forum pour « lancer des attaques non fondées et trompeuses contre d’autres entreprises dans l’espoir de générer une certaine attention ».

Pourtant, même si le tribunal se prépare pour une enquête, il existe un risque que celle-ci soit stoppée à tout moment.

En juin, le gouvernement fédéral a révisé la réglementation régissant le tribunal, et les exemptions pour des raisons de sécurité nationale ont été simplifiées.

M. Padulo a reconnu que cette exemption constituait « une réelle préoccupation ».

« Je pense que la Garde côtière a un réel besoin, mais invoquer la sécurité nationale serait un exemple supplémentaire d’utilisation d’un mécanisme visant à favoriser un certain chantier naval ou un fournisseur. Et j’espère qu’ils n’emprunteront pas cette voie », a-t-il affirmé.