Il faudra un certain temps afin de convaincre l’Ontario d’acheter davantage d’hydroélectricité québécoise, mais en fin de compte, la logique devrait l’emporter, estiment le gouvernement Legault et Hydro-Québec.

Au lendemain d’une autre rebuffade de la part du gouvernement Ford, Québec ainsi que la société d’État n’ont pas voulu ajouter de l’huile sur le feu, jeudi, préférant plutôt jouer la carte de la diplomatie.

« Je pense que c’est rationnel, a expliqué le président-directeur général d’Hydro-Québec, Éric Martel, en conférence de presse. Je ne prête aucune mauvaise intention. […] Je pense que l’Ontario est en surplus, alors pourquoi ils achèteraient de l’électricité maintenant ? »

Celui-ci était notamment accompagné du ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, Jonatan Julien, afin d’inaugurer la ligne haute tension de la Chamouchouane-Bout-de-l’Île, qui relie le Saguenay–Lac-Saint-Jean à la région de Montréal. Ce projet, qui s’échelonne sur 400 kilomètres, a été livré en deçà du budget estimé d’environ 1,3 milliard.

L’an dernier, 6,8 térawattheures (TWh) ont été exportés en Ontario. En 2016, les deux provinces ont signé une entente pour 2 TWh d’hydroélectricité. Les interconnexions entre le Québec et l’Ontario existent déjà et ne sont pas utilisées à leur pleine capacité.

M. Martel a souligné que la société d’État disposait d’autres options pour exporter ses surplus, comme l’important contrat signé au Massachusetts ainsi qu’une entente potentielle avec la Ville de New York – qui est toujours au stade des négociations.

Mercredi, au Conseil de la fédération, à Saskatoon en Saskatchewan, l’Ontario avait servi une autre fin de non-recevoir au Québec, qui souhaite que cette province achète de l’électricité au lieu de rénover à des coûts faramineux – estimés à plusieurs milliards de dollars – ses centrales nucléaires.

Il s’agit d’un enjeu délicat pour l’Ontario, puisque l’industrie nucléaire y emploie pas moins de 18 000 personnes.

Le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles a assuré que le gouvernement Legault n’allait pas baisser les bras dans ce dossier, estimant au passage qu’il s’agissait d’un travail à « moyen et long terme », sans préciser davantage.

« Actuellement, le coût de l’électricité (en Ontario) est de 13 cents le kilowattheure, a dit M. Julien. Nous sommes capables d’offrir une option beaucoup plus économique. Il faut laisser le temps aux choses de s’installer. »

M. Julien compte aborder à nouveau le dossier avec son homologue ontarien Greg Rickford, la semaine prochaine, en Colombie-Britannique, dans le cadre de la réunion des ministres des Ressources naturelles.

Le comptable de formation a également estimé que le gouvernent Ford pourrait être plus enclin à changer son fusil d’épaule lorsque la réfection des 19 réacteurs nucléaires, qui sera onéreuse, aura débuté.

« On peut dire “oui, on va le faire”, mais lorsqu’on commence à le faire, on s’aperçoit de l’envergure et du coût nécessaire, a observé M. Julien. Trois réacteurs représentent 10 environ TWh. Donc, ils pourraient faire le choix d’en faire moins. Mais ça ne sera pas à nous de leur dire. »

Moins dispendieuse

En soulignant l’aboutissement du deuxième projet en importance derrière le chantier du complexe La Romaine, M. Martel a souligné que la facture de la ligne haute tension devrait être inférieure de 25 millions à 100 millions par rapport aux prévisions.

Officialisé en 2018, ce projet, qui permet de décongestionner le réseau dans la région métropolitaine, devrait également permettre à Hydro-Québec de récupérer l’équivalent 6,4 millions par année en énergie.

Dans le cadre des appels d’offres, la société d’État avait ouvert la porte à des fournisseurs étrangers, notamment en ce qui a trait à l’acier pour les pylônes, ce qui ne l’a toutefois pas empêché d’acheter pour 1,1 milliard de biens, matériaux et services au Québec, a-t-elle plaidé.

« Je vous rappelle que sur les 35 000 tonnes d’acier, 5000 tonnes provenaient de l’extérieur et que 30 000 tonnes (ont été achetées au) Québec », a dit M. Martel.

Annoncé par le gouvernement libéral de Philippe Couillard, le projet avait fait l’objet de critiques, notamment par les communautés concernées par le tracé de plus de 1000 pylônes. Les opposants reprochaient notamment à Québec d’avoir ignoré les recommandations du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE).