Comme Mark Galardo, d’Air Canada, Cynthia Qian, de la faculté de médecine de l’Université de Montréal, et François Lafortune, de Diagram Ventures, Kathy Baig figure dans le « Canada’s Top 40 Under 40 2019 », un concours qui récompense les gens de moins de 40 ans qui se démarquent dans différents domaines. Quatre questions à la présidente de l’Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ) qui, avant ses 40 printemps, a mis de l’ordre à l’Ordre.

En 2016, pourquoi être devenue présidente de l’OIQ, alors que la profession vivait des remous ?

Cette position est exigeante, mais j’aime ça, car il y a de vrais défis. En 2016, je les voyais, ces défis. Sceptiques, certains me disaient : « Es-tu sûre que tu veux prendre le poste ? Tu vas être le cinquième président en trois ans. » J’ai pleuré de joie en décrochant le titre. Deux semaines plus tard, quand le gouvernement nous a mis sous tutelle, j’ai à nouveau pleuré, mais pas de joie. J’ai pris un week-end pour réfléchir à ce que j’allais faire. Il y avait des enjeux de gouvernance, des enquêtes. Des enjeux avec le C.A., les membres, les médias. Ça fusait de partout. En revenant au bureau, j’ai dit : « Je ne veux plus entendre : “On nous a mis sous tutelle.” »

Deux ans et demi plus tard, le gouvernement a reconnu nos efforts.

Que signifie la distinction Top 40 Under 40 dans un tel contexte ?

Je prends cette reconnaissance pour l’Ordre qui a vécu une crise de confiance. On a travaillé très fort pour s’en sortir. Ce fut une période difficile. On a mis en place un plan rigoureux, ambitieux, mais atteignable. La mobilisation des employés s’est améliorée. On a augmenté de 35 % la cotisation des membres pour augmenter nos ressources humaines et financières. On a fait une tournée pour répondre aux questions des membres pour qu’ils comprennent ce qu’on allait faire avec cet argent. Toutes les cibles ont été atteintes. Je pense au nombre d’enquêtes en cours qui se chiffrait à 600.

Beaucoup de dossiers ouverts s’étaient accumulés. On a formé des gens pour les prendre en charge. On est ainsi revenu à environ 240, un niveau normal, et ce, sans bâcler d’enquêtes. Aussi, ça nous prenait en moyenne plus de 36 mois pour terminer une enquête et déposer les dossiers d’une plainte disciplinaire, alors qu’il faut être en bas de 12.

Qu’est-ce que l’initiative « 30 en 30 » à laquelle vous êtes attachée ?

Elle vient d’Ingénieurs Canada et vise un taux de 30 % de nouvelles ingénieures au Québec d’ici 2030. Le conseil m’a demandé d’être une champion [représentante] de ce dossier ici. Il n’y a que 15 % de femmes parmi nos 65 000 membres. La réalité dans les autres provinces est sensiblement la même, le pourcentage allant de 13 % à 21 %. J’ai donc créé un groupe de travail, il y a un an et demi. Faisons un diagnostic. Découvrons où cibler pour qu’on ait le plus d’impact et trouvons les raisons pour lesquelles les jeunes femmes sont moins attirées par cette profession. Plusieurs points sont apparus.

Le manque de modèles féminins, notamment. On a jugé qu’il valait mieux faire comprendre la profession par des femmes ambassadrices dès l’école secondaire. J’ai fait le tour du Québec pour recruter des ambassadrices.

Rapidement, 350 se sont manifestées. Mais encore faut-il les placer dans les écoles, qu’on prépare les présentations, qu’on mette toute une logistique en place. On veut que le programme prenne son envol en octobre.

Quels sont les prochains chantiers de l’OIQ ?

L’Ordre aura 100 ans le 14 février 2020. On commencera à le souligner dès septembre. On a notamment un projet de valorisation de la profession. On va aussi vers un changement d’image de marque. Notre logo date de 1989. Aussi, il y a la modernisation de la Loi sur les ingénieurs, qui date de 1964. Elle reflète plus les génies classiques (mécanique, civil), moins ceux qui ont émergé depuis, tels logiciel, informatique, biomédical et de l’environnement. Trois projets de révision sont morts au feuilleton ces dernières années à cause d’élections. La CAQ a été efficace pour prioriser notre projet. On a espoir d’aller en commission à l’automne. Présentement, on est en consultation avec nos membres pour préparer un mémoire.