(Paris) Voler de Montréal à Paris en avion 100 % électrique, ce n’est ni pour demain ni pour dans 10 ans. Mais de Montréal à Toronto, dans un avion hybride ? Ça pourrait survenir plus vite que vous ne le croyez.

Pratiquement absente il y a un an au Salon aéronautique de Farnborough, la question des changements climatiques est au cœur de nombre de discussions cette année à Paris. Au point où les chefs des technologies de sept géants de l’industrie, concurrents dans bien des cas, sont montés ensemble sur scène, hier, pour faire le point sur le sujet. La rencontre, exceptionnelle, a fait salle comble.

En plus des grands rivaux Airbus et Boeing, y étaient représentés les motoristes GE Aviation, Safran, Rolls-Royce et Pratt & Whitney (United Technologies), ainsi que le constructeur d’avions militaires et d’affaires français Dassault.

« Certains problèmes sont suffisamment importants pour qu’il faille s’y attaquer ensemble », a résumé Greg Hyslop, chef des technologies chez Boeing.

Cesser de prendre l’avion, comme le réclament certains écologistes, n’est pas une solution, ont fait valoir, sans surprise, la plupart des intervenants.

On sous-estime le pouvoir qu’a l’aviation de connecter les gens, de faire de la planète un endroit plus sûr, de faire en sorte que les cultures se comprennent. 

Paul Stein, chef des technologies de Rolls-Royce

À moins d’une révolution majeure dans le domaine de l’entreposage d’énergie, les vols de long courrier vont devoir continuer de s’appuyer sur des hydrocarbures pendant longtemps, ont convenu les panélistes. Le poids des batteries actuelles rend leur utilisation impossible. Mais l’électrique n’est pas à écarter pour autant, surtout dans une forme hybride, a indiqué l’ingénieur en chef d’United Technology, Paul Emerenko.

« L’hybridation, l’ajout de l’énergie électrique à la propulsion de l’avion, peut avoir un impact très, très significatif sur l’efficience générale de la mission. Nous travaillons à une démonstration avec des avions régionaux où nous plaçons en parallèle un système électrique de 1 MW avec un moteur thermique de 1 MW, où l’électrique sert de suralimentation durant le décollage et la prise d’altitude.

« Pour une mission typique de 1 heure, avec 20 minutes d’ascension, 20 minutes en altitude de croisière et 20 minutes de descente, nous estimons être capables d’économiser 30 % de carburant. Une baisse de 30 %, dans l’aéronautique, où on a travaillé fort pour obtenir environ 1 % par année depuis longtemps, c’est monumental. »

Cette technologie sera prête à faire l’objet de démonstrations vers 2022, croit M. Emerenko. De là, si les constructeurs aéronautiques se montrent intéressés, une entrée en service pourrait survenir dès le milieu des années 2020, croit-il.

Le développement de biocarburants

Quant au carburant, l’industrie mise beaucoup sur le développement de biocarburants qui permettraient de réduire son empreinte globale. Plusieurs vols ont déjà été menés en utilisant des biocarburants.

L’entreprise québécoise Agrisoma, qui en produit à base de graines de moutarde, a notamment déjà participé à de tels projets. Une coentreprise à laquelle participent Air Transat et Aéroports de Montréal compte aussi bâtir cet été une usine de test pour achever le développement de sa technologie de production de biocarburant d’aviation à partir de gaz carbonique capté sur une cheminée industrielle.

L’hydrogène liquide montre aussi quelques promesses, a fait valoir le chef des technologies de Dassault, Bruno Stoufflet.

« Le potentiel est attirant, à condition que l’hydrogène provienne de sources propres. »

C’est notamment vrai parce que les changements requis sur les moteurs seraient « limités ». En revanche, le stockage serait plus complexe. Si, pour le même poids, l’hydrogène livre environ 2,8 fois plus d’énergie que le kérosène, il prend aussi quatre fois plus d’espace, en plus de devoir être conservé à des températures très froides.