Kim Furlong est née et a grandi à Percé. Fille d’un père d’origine irlandaise et d’une mère québécoise, elle se définit comme l’exemple type de la Canadienne parfaitement bilingue. Elle est surtout devenue, en janvier dernier, la première femme à occuper le poste de PDG de l’Association canadienne du capital de risque et d’investissement ou CVCA (pour Canadian Venture Capital Association).

Votre nomination comme nouvelle PDG de CVCA en janvier dernier a été accueillie très positivement. Qu’est-ce que cela vous a fait de devenir ainsi la première femme à occuper cette fonction dans un monde – celui du capital de risque – qui est dominé par les hommes ?

C’est vrai que ma nomination a reçu un accueil très chaleureux. La presse torontoise l’a soulignée de façon très positive, en notant que c’était un pas dans la bonne direction. Il ne faut pas se le cacher, le monde du capital de risque est un monde d’hommes, mais, là comme ailleurs, les choses changent.

Il y a d’abord eu l’élection d’une première femme comme présidente du conseil de la CVCA, Whitney Rockfley, associée chez McRock Capital, qui a beaucoup insisté pour que l’on fasse preuve de plus de diversité et d’inclusion.

Je viens d’une famille d’entrepreneurs. Mon père avait un restaurant et ma mère, une boutique à Percé. J’ai commencé à travailler au restaurant à 9 ans… À 17 ans, j’ai quitté la Gaspésie pour aller étudier et j’ai obtenu une maîtrise en commerce international et finances globales de l’Université Carleton.

J’ai travaillé durant cinq ans pour le gouvernement fédéral avant de me joindre à l’entreprise américaine de biotechnologie Amgen comme responsable des relations gouvernementales au Canada.

On a l’impression qu’il y a de plus en plus de capital de risque disponible sur le marché canadien. Est-ce que l’industrie se porte aussi bien qu’elle en a l’air ?

Oui, tout à fait. Au premier trimestre de 2019, les investissements en capital de risque ont dépassé le milliard au Canada. Depuis 2013, c’est le cinquième trimestre où on réussit à franchir le cap du milliard. Au Québec, les investissements ont atteint presque 200 millions, tout juste derrière l’Ontario.

Le capital de risque a une durée de vie de six à sept ans et les investisseurs s’attendent à réaliser leurs gains par l’entremise d’une émission d’actions publiques ou via la vente de la société.

Parallèlement, on a enregistré un très bon premier trimestre en ce qui touche le capital d’investissement, ce qu’on désigne comme des investissements plus patients qui sont faits sur un horizon de 10, 15 ou même 20 ans. C’est du capital qui donne un nouveau souffle à une entreprise, qui lui permet de réaliser un repositionnement stratégique. Là aussi, les données ont été très bonnes pour le premier trimestre.

Votre association regroupe quelque 500 firmes d’investissement au Canada. Est-ce qu’il s’agit principalement de firmes de capital de risque ou de sociétés de capital d’investissements privés ?

On a nettement plus de firmes de capital de risque, elles représentent environ 70 % de nos membres. Elles réalisent toutefois des financements beaucoup moins importants que les sociétés d’investissements privés.

Au chapitre du montant des investissements, c’est plutôt l’inverse. Les firmes de capital de risque réalisent 30 % des financements, alors que les firmes de capital privé totalisent plus de 70 % des financements.

On a des membres qui font les deux types d’investissement, comme le Fonds de solidarité de la FTQ qui fait du capital de risque, mais aussi de l’investissement à long terme.

L’an dernier, les firmes de capital de risque ont réalisé 620 transactions, qui ont représenté 3,8 milliards, alors que les sociétés d’investissements privés ont réalisé 599 transactions, qui ont totalisé 22 milliards.

Les deux types de sociétés d’investissement ont chacun leur rôle à jouer, mais on a l’impression que le capital de risque ne vise qu’à investir dans une entreprise dans l’espoir qu’elle soit vendue le plus tôt possible. Ce n’est pas un peu dommage que l’on ne soit pas plus patient ?

C’est un fait. Plus de 70 % des investissements en capital de risque sont réalisés dans des entreprises technologiques, principalement en technologies de l’information et en intelligence artificielle.

Il arrive souvent qu’une entreprise soit forcée de vendre parce qu’elle est arrivée au terme de son processus de développement et c’est alors plus avantageux pour elle de le faire.

Mais ce qu’on oublie souvent, c’est que les entrepreneurs qui vendent vont souvent créer une nouvelle société et que les gens qui travaillent dans ces entreprises développent une expertise très recherchée. Tout ça nourrit un écosystème d’innovation.

Moi, je me suis donné comme mandat de mieux faire connaître les firmes de capital d’investissement privé. Elles arrivent souvent dans des entreprises qui sont en fin de cycle de vie.

Non seulement elles investissent du capital, mais elles accompagnent aussi les entrepreneurs dans leur cheminement en leur assurant des conseils stratégiques.

Prenez l’exemple de l’investissement qu’a réalisé Novacap dans Bestar, le fabricant de meubles de Lac-Mégantic. Lorsque Novacap est arrivée, Bestar avait 135 employés et ils sont maintenant plus de 225. L’entreprise connaît une deuxième vie.

Et le plus beau là-dedans, c’est que les firmes de capital d’investissement sont partout, dans toutes les régions du Québec ; elles viennent appuyer des entreprises qui sont essentielles pour la vitalité économique des régions.

L’Association canadienne du capital de risque et d’investissement a toujours soutenu le Fonds de solidarité de la FTQ et les crédits d’impôt à l’investissement dont il profitait lorsque le gouvernement Harper a décidé de les abolir. Pourquoi la CVCA était-elle tant en faveur des privilèges fiscaux du Fonds ?

On avait une position très ferme en faveur du maintien des crédits d’impôt parce que le Fonds de solidarité de la FTQ est un joueur important dans l’industrie du capital de risque au Canada. Le Fonds est très impliqué dans l’écosystème canadien en investissant dans des fonds de partout au Canada.

En 10 ans, le Fonds a investi 2,1 milliards en capital de risque, dont 1,1 milliard directement dans des entreprises et 1 milliard dans les fonds spécialisés, dont Teralys au Québec, mais aussi Lumira basé à Toronto. On va toujours défendre cette position.