Incendies suspects, départ soudain du président fondateur, enquêteurs mobilisés, changements au conseil d’administration, opération de recapitalisation. Le député de Chomedey, Guy Ouellette, n’aime pas du tout ce qu’il apprend jour après jour dans le dossier de Prometic, une société biopharmaceutique de Laval.

« Ce dossier sent mauvais », affirme-t-il.

Le 15 avril, Prometic a annoncé un plan de recapitalisation qui inclut notamment la conversion en actions de quelque 230 millions de dollars de dette envers son plus important créancier — la société de placement de la famille Thomson — et une importante émission d’actions au prix unitaire de 1,5 cent.

La restructuration donne le contrôle d’environ 80 % des actions à la famille Thomson, diluant massivement au passage les petits actionnaires. Prometic a demandé et obtenu de la Bourse de Toronto la dispense de l’obligation de faire approuver son plan par les actionnaires, étant donné que l’entreprise connaissait de « graves difficultés financières ».

Des dizaines d’investisseurs frustrés ont contacté l’Autorité des marchés financiers (AMF) pour se plaindre de la très forte perte de valeur de leurs titres, à cause de la dilution. En réaction, l’AMF avait organisé une conférence téléphonique d’information avec les investisseurs, un événement plutôt exceptionnel.

« La liste s’allonge »

Guy Ouellette a de nouveau interpellé hier le ministre des Finances, Eric Girard, sur le sujet par l’entremise d’une question écrite.

« L’ancien chef de la direction de Prometic [Pierre Laurin], congédié en décembre, est victime de deux incendies suspects sous enquête ; le nouveau chef de la direction [Ken Galbraith] déménage en Europe et annonce que plusieurs postes seront déplacés en Europe ; des membres du conseil d’administration sont forcés à démissionner, et la liste s’allonge quotidiennement », écrit-il au ministre dans le but d’en savoir plus au sujet du travail de l’AMF dans cette affaire.

Si le ministre n’a pas encore offert de réponse à Guy Ouellette, l’AMF assure qu’elle poursuit toujours « avec célérité » son étude du dossier Prometic.

« L’analyse porte avant tout sur le respect des conditions préalables à la dispense, dont s’est prévalue Prometic, afin d’orchestrer diverses opérations extrêmement dilutives pour son actionnariat sans avoir à fournir une évaluation ni soumettre le tout au vote de ses actionnaires », dit le porte-parole de l’AMF, Sylvain Théberge. L’AMF soutient d’ailleurs ne disposer, à ce stade-ci, d’aucun motif d’intervention à cet égard.

Le gendarme boursier soutient aussi continuer d’effectuer des vérifications sur d’autres aspects de l’« importante » restructuration. « Ces vérifications sont toujours en cours et nécessitent davantage de temps », dit Sylvain Théberge.

Incendies au chalet du fondateur

La restructuration du 15 avril est survenue quatre mois après le départ soudain de Pierre Laurin, président fondateur de l’entreprise.

Le chalet de M. Laurin à Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson a été incendié deux jours de suite, au printemps 2018. Cela n’est pas anodin, aux yeux de Guy Ouellette. « Des incendies deux jours de suite alors que l’entreprise était dans une période de reconnaissance de produits qui vont révolutionner le marché, les gens doivent se poser des questions », soutient M. Ouellette au cours d’une entrevue à La Presse.

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, LA PRESSE

Le chalet incendié de Pierre Laurin, au printemps 2018

« Des choses qui nécessitent l’attention de la police et de l’AMF se sont passées, note l’ancien policier de la Sûreté du Québec devenu politicien. Je veux simplement m’assurer que l’AMF fait un travail complet. Il faut aller au bout des informations. J’ai comme l’impression qu’il y a des liens à faire. Il y a matière à poser des questions, et je ne suis pas le seul à le penser si je me fie aux dizaines de courriels que je reçois de gens qui suivent le dossier. »

Selon M. Ouellette, il apparaît pertinent de solliciter le concours du Tribunal des marchés financiers dans le dossier Prometic. Affirmant que Morgan Stanley a évalué l’entreprise à plusieurs milliards de dollars et que « ces milliards » s’apprêtent à sortir du Québec, Guy Ouellette estime que la Loi sur les valeurs mobilières devrait être appliquée. Il dit craindre pour quelque « 250 emplois à 100 000 $ à Laval ».

« Je peux vous confirmer que Prometic n’entend pas quitter Laval pour déménager ses activités en Europe », a indiqué Patrick Sartore, chef des affaires juridiques et secrétaire corporatif de Prometic.

Il n’a pas été possible de parler à Pierre Laurin, ni à un représentant de Thomvest, la société de placement de la famille Thomson.

La capitalisation boursière de Prometic s’élève actuellement à 725 millions.