(Toronto) Le marché canadien des produits du cannabis de prochaine génération représente une valeur estimée à 2,7 milliards par année, les produits comestibles en constituant plus de la moitié, selon un rapport dévoilé lundi par la firme Deloitte.

Ces dépenses, une fois que les réglementations finales sur le cannabis comestible seront mises en place dans les mois à venir, devraient s’ajouter au marché national estimé à environ 6 milliards pour le cannabis récréatif et médical, a précisé la société de conseil.

Les consommateurs souhaiteront se procurer ces nouveaux produits en plus des fleurs séchées, des huiles, des plantes et des semences qu’ils achètent aux détaillants depuis la légalisation de l’automne dernier, précise l’enquête menée récemment par Deloitte auprès de 2000 Canadiens.

La première vague de légalisation en octobre dernier était assez limitée en ce qui a trait à la gamme de produits et du type de consommateur, a souligné Jennifer Lee, associée et leader nationale du secteur du cannabis chez Deloitte Canada.

« Lorsque nous légaliserons de nouveau en octobre, pour les aliments, nous nous retrouvons dans un monde où les formats et la gamme de produits sont beaucoup plus vastes », a-t-elle affirmé. « Les cas d’utilisation sont beaucoup plus larges. »

Le Canada se prépare à légaliser les aliments, les boissons, les produits topiques et autres produits infusés de cannabis dans les prochains mois, une fois qu’Ottawa aura adopté le règlement final.

Les producteurs de cannabis, ainsi que les fabricants d’aliments et de boissons, se préparent à commercialiser leurs propres produits infusés à la marijuana, ce qui, selon eux, attirera un public plus large — en particulier ceux qui ne souhaitent pas fumer de l’herbe.

Le gouvernement fédéral a achevé ses consultations sur le projet de règles relatives à la consommation de nourriture en février et a déclaré que les réglementations devaient entrer en vigueur au plus tard le 17 octobre.

Deloitte calcule qu’environ 1,6 milliard sera dépensé pour les produits comestibles au Canada, suivis par les boissons infusées au cannabis (529 millions) et les produits topiques (174 millions). Les dépenses pour les concentrés devraient atteindre 140 millions, suivies des teintures à 116 millions et des capsules à 114 millions.

Environ la moitié des utilisateurs susceptibles de consommer des produits comestibles du cannabis et interrogés par Deloitte prévoient de consommer des oursons en gélatine, des biscuits, des brownies ou du chocolat au moins tous les trois mois.

Le marché mondial des produits de cannabis alternatifs devrait presque doubler au cours des cinq prochaines années, a ajouté Deloitte.

Au détriment d’autres industries plus établies

Mme Lee ne s’attend pas à ce que ces nouveaux produits réduisent les revenus des catégories existantes au Canada, du moins au début.

« Avec le temps, à long terme, peut-être », a-t-elle noté. « Mais pour le moment, il y a trop de demande sur le marché et il n’y a pas assez de produits. »

Les détaillants de cannabis légal, tant publics que privés, sont aux prises avec une pénurie de produits depuis la légalisation en octobre dernier, mais ils ont indiqué que la situation s’était améliorée ces derniers mois.

Par exemple, le gouvernement de l’Alberta a levé son moratoire sur les nouvelles licences de vente au détail de cannabis, en invoquant une augmentation de l’offre.

Les estimations du marché des produits à base de cannabis de Deloitte reflètent la demande d’ensemble des consommateurs canadiens, mais la réalisation du plein potentiel de ce marché pourrait également prendre un certain temps. Selon Deloitte, bon nombre des nouveaux produits du cannabis pourraient ne pas être disponibles ou offerts en quantités suffisantes en octobre.

Les entreprises devraient avoir une vision du marché de trois à cinq ans, a estimé Mme Lee.

« Les règlements auront besoin de temps pour être mis en place, même après la légalisation d’octobre », a-t-elle fait valoir.

Même si ce marché représente une occasion de croissance pour les entreprises qui se préparent à la prochaine vague de la ruée vers le cannabis, cela pourrait se faire au détriment des ventes dans des industries plus établies.

« Nos recherches montrent que les occasions pour lesquelles les consommateurs utilisent le produit, principalement les produits alimentaires, se chevauchent beaucoup avec l’alcool. […] Dans un contexte où les portefeuilles sont limités, il y aura des compromis », a fait valoir Mme Lee.

L’enquête de Deloitte a également montré que les consommateurs considéraient les produits topiques à base de cannabis, tels que les lotions utilisées contre des maladies ou la douleur, comme des substituts potentiels à d’autres médicaments.

« Cela pourrait devenir préoccupant pour le secteur pharmaceutique traditionnel, puisque 45 % des consommateurs actuels et 48 % des consommateurs probables ont précisé qu’ils considèrent les produits de cannabis à usage topique comme une solution de rechange, et non un complément, aux médicaments sur ordonnance », a indiqué Deloitte dans son rapport.

Deloitte a sondé en ligne 2000 adultes canadiens entre le 26 février et le 11 mars.

Selon les normes généralement acceptées par l’industrie des sondages, les enquêtes en ligne ne peuvent se voir attribuer une marge d’erreur, car elles ne reposent pas sur un échantillon aléatoire de la population.