Cette semaine, La Presse rencontre cinq robots installés en entreprise. Voici le deuxième de la série, le soudeur automate.

Nom : Kuka le soudeur Salaire : 50 000 $ pendant 5 ans ; ensuite, bénévolat Qualité : Aucun problème familial ni personnel. Toujours motivé. Fidélité envers l’employeur. Défaut : De grande taille, il nécessite beaucoup d’espace de travail. Secteurs d’activité : Manufacturier et industriel

Vous consacrez trois mois à former un nouvel employé puis, un matin, sans avertir, le nouveau frais formé vous quitte sans préavis. Tout est à recommencer ! Annonces, entrevues avec des candidats aussi motivés que s’ils se rendaient chez le dentiste. Vos horaires sont enviables. Les salaires, compétitifs. Rien n’y fait. Cette situation vous est-elle familière ? C’est ce qui a poussé l’entreprise Pro-Quai de Boucherville à engager un robot… Façon de parler.

« En choisissant un robot, on s’assure qu’au moins un employé ne partira pas d’ici trois mois, s’exclame Mathieu Paquet, responsable du développement chez Pro-Quai, en entrevue avec La Presse. On sécurise une partie de la production. »

L’entreprise, qui se spécialise dans la fabrication de niveleurs de quais et de quais de chargement depuis 1982, a des contrats avec des clients importants : Molson, Loblaw, Jean Coutu, Groupe Robert, Metro. Cette PME de 20 employés ne peut pas se permettre qu’une partie de sa main-d’œuvre soit imprévisible.

« On cherchait deux soudeurs supplémentaires. Tous nos produits passent par la soudure. C’est essentiel. »

Soudeurs recherchés

La situation n’est pas nouvelle. Déjà, en 2017, il manquait au moins 1950 soudeurs et assembleurs-soudeurs au Québec, selon une enquête du comité sectoriel de la main-d’œuvre dans la fabrication métallique industrielle. Les établissements de formation professionnelle ne fournissaient pas suffisamment de soudeurs pour répondre à la demande. Le diplôme d’études professionnelles (DEP) en soudure nécessite 1800 heures de cours. Le ministère de l’Éducation du Québec a délivré 1130 diplômes en 2017 et 1068 en 2016.

Raymond Langevin, analyste du marché du travail au comité sectoriel, confirme que 1800 soudeurs seront requis cette année, en 2019, et que 40 % des postes restent vacants plus de quatre mois.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

L’entreprise Pro-Quai de Boucherville a engagé un robot pour pallier la pénurie de soudeurs.

Après avoir engagé des finissants qui sont partis chez l’entreprise voisine pour 30 cents l’heure de plus et estimé que le recrutement à l’étranger coûtait trop cher pour sa PME, le propriétaire a décidé d’essayer la robotique. Selon Mathieu Paquet, responsable du développement, les prix avaient baissé, mais il ne cache pas qu’il a fallu investir du temps dans le projet, dont deux semaines d’installation.

« Si je calcule qu’un soudeur gagne 50 000 $ par année, en cinq ans, le robot sera rentabilisé. Sans oublier que le robot travaille tout le temps. Il n’a pas de mauvaise journée, pas de problèmes familiaux, pas de problèmes personnels. » — Mathieu Paquet

Avec son robot, Pro-Quai a augmenté sa rapidité d’exécution, t0ut en produisant plus avec une qualité et une constance accrues.

Nouveau défi

Effet inattendu : le robot a attiré de nouveaux types d’employés friands de postes plus stimulants.

C’est le cas de René Dussault, soudeur avec neuf ans d’expérience, qui a tout de suite été attiré par ce projet d’intégration de la robotique.

« J’avais besoin d’un nouveau défi et j’aime apprendre, dit-il en nous montrant l’écran tactile qui contrôle l’immense robot. Je suis tombé en amour avec lui quand je l’ai vu. »

En poste depuis six mois, René Dussault a appris avec plaisir la programmation. Il est en train de former un nouvel employé, Jonathan Dolen, arrivé en janvier. Une formation payée.

« J’avais envie de sortir de ma zone de confort, affirme-t-il. René va tout m’apprendre. »

Forte de cette expérience positive, Pro-Quai planifie déjà l’intégration d’un deuxième robot soudeur.

« Je pense que les robots vont venir s’imposer d’eux-mêmes en temps et lieu pour permettre aux entreprises de passer à un niveau supérieur », croit Mathieu Paquet.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

L’entreprise Pro-Quai de Boucherville a engagé un robot pour pallier la pénurie de soudeurs.