Charles Émond est depuis le mois de février le nouveau premier vice-président et chef des Investissements au Québec de la Caisse de dépôt, où il a succédé à Christian Dubé, qui s’est fait élire comme député de la Coalition avenir Québec. Charles Émond a aussi été nommé responsable de la Planification stratégique globale de l’institution, fonction qui était assurée par Roland Lescure, qui a lui aussi quitté la Caisse pour devenir député du gouvernement français.

Diplômé de HEC Montréal, Charles Émond a fait carrière dans le monde de la finance, notamment à la Banque Scotia, où il a occupé différentes fonctions de haute direction avant d’être pressenti par Michael Sabia pour devenir le nouveau numéro deux de la Caisse et ultimement, sait-on jamais, remplacer le PDG dont le mandat doit se terminer en 2021.

À part le monde de la grande entreprise, on vous connaît peu au Québec, si ce n’est que vous avez été associé durant près de 20 ans à la Banque Scotia. Pouvez-vous nous résumer votre parcours ?

Je suis un comptable agréé de formation et j’ai fait mes classes dans la vérification durant quatre ans chez Raymond Chabot. En 1998, je me suis joint au département des fusions et acquisitions de Price Watherhouse où, durant deux ans, j’ai réalisé bien des mandats à l’étranger.

En 2000, je me suis joint à la division d’investissement de la Banque Scotia à Montréal, où j’ai réalisé de nombreuses transactions de financement pour les entreprises québécoises. À partir de 2012, j’ai été appelé à collaborer davantage aux activités de financement des grandes entreprises à partir de Toronto.

En 2015, je suis devenu responsable des activités d’investissement de la Scotia à l’échelle mondiale. On réalisait du financement corporatif et des prises fermes de nouvelles émissions d’actions.

J’étais continuellement en déplacement dans le monde, alors que j’ai été appelé à mettre sur pied nos activités de banque d’affaires pour l’ensemble de l’Amérique du Sud, où on est devenu l’un des trois principaux acteurs dans le secteur du financement des entreprises.

Enfin, j’ai aussi été responsable des acquisitions de la Banque Scotia. C’est moi qui ai réalisé l’achat de Jarislowsky Fraser l’an dernier.

Vous aviez donc un parcours encore prometteur à la Scotia, pourquoi avez-vous accepté l’offre de devenir responsable des investissements de la Caisse au Québec ?

Oui, je suppose que je suivais le chemin de quelqu’un qu’on veut amener plus haut, jusqu’à ce que je rencontre Michael [Sabia] et que là, je me mette dans le trouble [grand rire].

Plusieurs raisons m’ont fait accepter l’offre de me joindre à la Caisse. Dans ma pratique de financier, j’ai vu le rôle grandissant que jouent les grandes caisses de retraite à l’échelle mondiale, et la Caisse a une signature distinctive dans ce monde-là puisqu’elle est aussi un instrument de développement économique.

Depuis cinq ans, je travaillais partout dans le monde à partir de Toronto et je réalisais au moins 150 vols en avion par année. Là, je pouvais revenir dans ma ville et travailler avec des entreprises que je connais.

Et le volet de devenir aussi responsable de la planification stratégique globale était aussi très attirant. Ça rejoignait le même carré de sable que j’occupais à la Banque.

Comment abordez-vous votre double mandat de chef des investissements au Québec et de responsable de la planification stratégique globale ?

La planification de répartition d’actifs, ça se fait en équipe. On établit nos cibles d’investissements et mon rôle est d’échanger avec chacun des responsables, que ce soit les infrastructures, les marchés liquides ou les revenus fixes. On vise un horizon de quatre ans, mais tout cela est réévalué sur une base constante.

Il y a des synergies entre mes deux rôles. La Caisse est connue au Québec. On est partenaire dans 775 entreprises et il y en a 685 qui sont des PME. On va continuer de les accompagner dans tous les stades de leur développement et on veut mettre à leur disposition notre plateforme internationale.

On a 9 bureaux dans le monde et on a une présence dans 60 pays. Notre forte présence au Québec nous permet d’y tester des choses et de les exporter par la suite. Le Réseau express métropolitain (REM) est un bon exemple d’une réalisation que l’on pourrait reproduire ailleurs.

Est-ce que le rôle hybride de la Caisse de faire fructifier l’épargne des Québécois tout en voyant au développement économique du Québec vous inquiète, notamment lorsqu’il est question de la protection des sièges sociaux ?

Pas du tout, c’est un défi intéressant pour moi, l’aspect politique de ma fonction ne m’angoisse pas.

Je préfère regarder les choses de façon plus holistique en étant conscient que certaines transactions ont un impact et suscitent des réactions. Dans certains secteurs, il y a de la consolidation, on n’y échappe pas, mais la Caisse n’hésitera jamais à faire ce qu’elle a à faire.

La protection des sièges sociaux, ça se fait au quotidien, pas seulement de façon défensive quand survient une transaction. Quand on appuie les entreprises québécoises dans leur quête d’expansion, dans leur modernisation, dans la gestion de leurs ressources, on travaille pour la sauvegarde des sièges sociaux, mais de façon offensive.

Depuis cinq ans, on a appuyé nos entreprises à réaliser plus de 200 acquisitions à l’étranger qui totalisent 27 milliards. C’est une belle façon de protéger des sièges sociaux.

Quelles sont les priorités que vous souhaitez réaliser dans votre nouveau mandat ?

Écoutez, je me suis joint à une organisation de classe mondiale avec une équipe extrêmement compétente. Ce que je souhaite avant tout, c’est que l’on reste vigilant et proactif.

On veut avoir une approche transversale et que l’on soit au-devant des solutions de nos nombreuses classes d’actifs.

La majorité des rendements que l’on va obtenir dans le futur — plus de la moitié des rendements — vont provenir d’améliorations opérationnelles.

On doit adapter notre offre de services pour accompagner les entreprises dans leur croissance, et c’est pourquoi on a maintenant des spécialistes en ressources humaines, en technologies, des experts en administration… qui viennent appuyer nos entreprises-partenaires afin de les rendre plus efficaces.

Vous avez 47 ans et plusieurs années devant vous. Est-ce que vous voyez votre nomination comme un tremplin en vue de la succession de Michael Sabia s’il part à la fin de son mandat (en 2021) ?

Michael a été le grand facteur dans ma décision de venir travailler à la Caisse de dépôt. Ce qu’il a fait avec la Caisse est extraordinaire. C’est une grande question que vous me posez là et je ne peux y répondre, mais chose certaine, ce seraient de gros souliers à chausser.

Ça fait trois mois que je suis ici et je vais essayer de bien faire ce que j’ai à faire.

Depuis mon arrivée, il y a trois mois, j’ai rencontré plus d’une centaine d’entreprises, et ce n’est pas fini. J’étais moins impliqué dans le monde des PME et le capital de risque, c’est plus nouveau pour moi.

Ce que j’aime ici, c’est la fierté que les gens ont de travailler pour la Caisse. C’est une organisation de classe mondiale, mais qui est habitée d’un fort esprit entrepreneurial.