Au Québec, on critique ceux qu’on aime. Puis quand ils s’envolent vers d’autres cieux, on s’attriste de leur départ. Il en va ainsi pour le voyagiste Air Transat, qui a annoncé sa mise en vente hier. Ciao. Bye. Hasta la vista.

Ces dernières années, les consommateurs n’ont pas toujours été tendres envers la société québécoise, qui avait eu des comportements douteux, il faut bien le dire.

Rappelez-vous seulement le tollé provoqué en juillet 2017 lorsque deux avions de Transat sont restés cloués durant cinq et six heures sur le tarmac de l’aéroport d’Ottawa. Il a fallu qu’un des passagers appelle le 911 pour qu’on vole à leur secours. Blâmée par l’Office des transports du Canada, Transat a ensuite été forcée de payer une amende de 300 000 $ et de verser 500 $ à chacun des passagers.

Souvenez-vous aussi de juin 2010 : l’expulsion d’un passager obèse d’un appareil d’Air Transat avait suscité un émoi planétaire. L’homme qui venait d’embarquer à l’aéroport londonien de Gatwick à destination de Toronto s’en allait rendre visite à sa tante mourante. Le transporteur lui avait offert de partir sur le prochain vol, en achetant deux billets plutôt qu’un. Mais le voyageur avait refusé et sa tante avait rendu l’âme deux jours plus tard. Cette affaire avait relancé le débat ultra-délicat sur la place réservée aux personnes obèses et handicapées à bord des avions.

Au fil des ans, j’ai moi-même critiqué Transat à maintes reprises. J’ai raconté comment ses clients sont parfois obligés de se battre pour obtenir l’indemnité à laquelle ils ont droit en cas de retard ou de surréservation. J’ai dénoncé ses conditions générales qui déclinent toute responsabilité dans une multitude de situations, alors que la jurisprudence impose aux agents de voyages des obligations de renseignements et parfois d’assistance dans plusieurs de ces cas.

Pas étonnant qu’Air Transat et ses filiales aient fait l’objet de 142 plaintes au cours des deux dernières années devant l’Office de la protection du consommateur.

Remarquez, c’est exactement le même nombre que Vacances Sunwing et moins qu’Air Canada, qui arrive bonne première avec 168 plaintes, en incluant son voyagiste.

Qui aime bien châtie bien.

Maintenant que le fleuron québécois risque de disparaître, les consommateurs sont forcés d’admettre que le transporteur fait quand même du bon boulot.

L’année dernière, Transat a d’ailleurs décroché le titre de meilleure ligne aérienne de vacances au monde, selon le palmarès des World Airline Awards de Skytrax, qui s’appuie sur les commentaires de quelque 20 millions de clients partout sur la planète.

Depuis son premier vol en 1987, Air Transat n’a cessé de diversifier ses destinations, permettant aux Québécois d’acheter un vol direct, à prix raisonnable, pour une foule de villes européennes comme Dublin, en Irlande, Zagreb, en Croatie, Venise, en Italie, ou encore Malaga, en Espagne. En extra, les passagers peuvent déguster une lasagne au confit de canard ou une morue à la portugaise concoctés par le chef Daniel Vézina. Miam !

Dernièrement, Rouge, le transporteur au rabais d’Air Canada, s’est mis à offrir le même genre de vols directs vers des villes touristiques, ce qui a fait mal à Transat. Sans compter les transporteurs à bas prix, comme le défunt Wow Air, qui ont lancé des vols vers l’Europe à des prix défiant toute concurrence.

Maintenant que Transat est à vendre, il faudra voir qui l’achètera et quel sera l’impact sur les voyageurs.

Le premier ministre François Legault, qui a participé à la création de Transat en 1987, est prêt à prêter main-forte pour que la propriété de Transat reste au Québec.

« Ce serait plus logique que Transat soit vendue à des intérêts canadiens », estime Jacques Roy, professeur spécialisé en transport à HEC Montréal. Pour conserver ses droits d’atterrissage dans les aéroports du monde entier, Transat ne peut être détenue à plus de 49 % par des intérêts étrangers.

WestJet Airlines ressort comme un acquéreur potentiel. « WestJet a des ambitions d’offrir davantage de vols à l’international », explique M. Roy. L’achat de Transat lui permettrait d’atteindre plus rapidement ses objectifs. Une telle fusion serait assez complémentaire. Mais elle pourrait quand même entraîner une certaine rationalisation sur des destinations comme la Floride ou Las Vegas que le transporteur de l’Ouest dessert tout comme Transat. Moins d’offre, moins de concurrence, moins d’aubaines…

Autrement, une firme d’investissement privé pourrait mettre la main sur Transat. Mais elle ne le fera pas pour les beaux yeux des voyageurs québécois. Certainement pas. Ce genre de firme cherche d’abord et avant tout à rentabiliser son investissement pour ensuite revendre à profit.

Que pourrait-elle couper pour rehausser la rentabilité de Transat ? Réduire les destinations ? Mettre les passagers en classe sardines ? Ajouter des surcharges par la bande ? J’espère bien que non ! Mais avec l’arrivée des transporteurs au rabais, la tendance est plus que jamais à l’externalisation des frais.

Les voyageurs qui se font un point d’honneur de magasiner le billet au plus bas prix possible se font rattraper dans le détour. Maintenant, il faut payer pour les valises en soute, les bagages qu’on doit ranger dans les compartiments en cabine, l’impression des billets, l’embarquement prioritaire, le repas et même la bouteille d’eau. Misère ! À quand le papier de toilette en extra ?