Contrairement au syndicat Unifor, les premiers ministres canadien et ontarien ont tous les deux admis, lundi, qu'il était inutile d'essayer de persuader General Motors de maintenir son usine automobile d'Oshawa, en Ontario, au-delà de 2019. Ils préfèrent se concentrer sur les moyens d'aider les 2500 travailleurs touchés par cette fermeture annoncée.

Le premier ministre ontarien, Doug Ford, a indiqué lundi qu'il avait parlé au téléphone dimanche avec le responsable de GM Canada, Travis Hester, sans succès. «La première chose que j'ai dite, c'est : "Que pouvons-nous faire ?" ; il m'a répondu : "Le train a déjà quitté la gare". Dire que nous sommes déçus est un euphémisme.»

Justin Trudeau s'est dit lui aussi profondément déçu, et il a promis de faire tout en son pouvoir «pour aider les familles visées à se remettre sur pied». Le premier ministre a indiqué qu'il avait parlé la veille à Mary Barra, chef de la direction et présidente du conseil d'administration de GM, pour lui exprimer sa «profonde déception» face à cette fermeture.

M. Trudeau doit s'entretenir avec le président national d'Unifor, Jerry Dias, et des «membres de l'équipe de direction d'Unifor», mardi après-midi à Ottawa, selon l'ordre du jour du premier ministre envoyé aux médias.

Le syndicat représentant les travailleurs d'Oshawa a déclaré qu'il mettrait en place «le combat de nos vies» pour maintenir l'usine en activité. «Ils ne fermeront pas notre maudite usine sans un combat acharné», a déclaré lundi M. Dias. «Nous en avons assez d'être bousculés. Et nous ne le serons pas [...] Nous méritons le respect.»

Le premier ministre Ford et les députés fédéraux se sont engagés à collaborer pour aider les travailleurs touchés, leur famille et la ville d'Oshawa, qui perdra son plus gros employeur. Interrogé en après-midi à la période de questions aux Communes, le premier ministre Trudeau a indiqué qu'il s'était entretenu avec son homologue ontarien en matinée. «On s'est mis d'accord pour travailler ensemble pour aider ces travailleurs», a-t-il soutenu, avant d'affirmer que son gouvernement avait investi plus de 5,6 milliards pour soutenir l'industrie automobile.

Le gouvernement ontarien a demandé notamment à Ottawa de prolonger de cinq semaines la période d'admissibilité à l'assurance-emploi, jusqu'à un maximum de 50 semaines, pour les travailleurs touchés. M. Ford a aussi promis que son gouvernement renforcerait immédiatement l'aide à l'emploi et les mesures de reconversion.

Prévenus la veille

Le ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social, Jean-Yves Duclos, a précisé que le gouvernement canadien n'avait été prévenu que dimanche de cette fermeture. Il a indiqué que M. Ford et M. Trudeau s'étaient parlé déjà, «pour faire en sorte que les appuis du gouvernement canadien soient les plus efficaces possible».

Le ministre fédéral de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique, Navdeep Bains, a admis lui aussi que la position de GM n'était pas négociable, et il se concentre maintenant sur l'avenir. Dans un communiqué, le ministre Bains rappelle que son gouvernement mise sur «le développement et la fabrication de la voiture du futur», à émission zéro - tout en admettant que ce plan «ne pourra pas atténuer la souffrance des gens d'Oshawa».

La fin des activités à l'usine d'Oshawa en 2019 poussera plus de 2500 travailleurs au chômage et mettra fin à une relation vieille de plus de 100 ans entre GM et cette ville située à l'est de Toronto. La fermeture de l'usine portera un dur coup à l'économie de la région, et se fera sentir ailleurs en Ontario et au pays.

Le chef conservateur Andrew Scheer a demandé un débat d'urgence à la Chambre des communes lundi. Il soutient que les libéraux doivent «présenter un plan sur la façon dont ils vont répondre aux milliers de personnes sans travail et protéger les emplois restants dans le secteur manufacturier en Ontario».

«Nous savons que certaines des raisons citées et évoquées sont l'augmentation du coût de l'énergie, a soutenu M. Scheer à Toronto. Nous savons que GM et d'autres constructeurs sont touchés par la taxe libérale sur le carbone. Par conséquent, avant même d'avoir recours à des plans de sauvetage, nous pourrions envisager un certain nombre d'autres idées.»

Les conservateurs s'en prennent régulièrement au plan de tarification du carbone annoncé par le gouvernement Trudeau. Lundi, le député conservateur Pierre Poilievre a exhorté les libéraux à suspendre ce plan, à la suite de l'annonce de GM.

Des milliards d'aide

Au fil des ans, des milliards et des milliards de dollars de fonds publics ont été dépensés pour aider ce secteur. En 2009, pendant la crise financière, les gouvernements fédéral et ontarien ont dépensé 13,7 milliards des contribuables pour sauver GM Canada et Chrysler Canada d'une faillite potentielle. Des programmes fédéraux sont toujours en place pour soutenir le secteur de l'automobile. Le gouvernement fédéral a annoncé la semaine dernière son intention d'ajouter 800 millions sur cinq ans à son fonds d'innovation stratégique, qui fournit des fonds publics à des entreprises telles que Toyota.

Des journalistes ont demandé lundi à M. Bains s'il croyait, en rétrospective, que le renflouement de 2009 avait été une erreur. Il a reconnu que la décision de 2009 avait été prise par le précédent gouvernement conservateur alors que la situation était «très grave». Le ministre a par ailleurs précisé lundi matin que son gouvernement «continuerait à soutenir et défendre le secteur de l'auto et ses travailleurs».

«Nous voulons défendre le secteur automobile comme nous l'avons fait pour le secteur de l'aérospatiale, le secteur du pétrole et du gaz, a-t-il dit. Cela ne concerne pas seulement les travailleurs de l'auto mais aussi les fournisseurs, les concessionnaires : 500 000 emplois directs ou indirects sont liés au secteur de l'auto», a soutenu le ministre du Développement économique.

Le porte-parole du Nouveau Parti démocratique fédéral en matière de développement économique, Brian Masse, a rappelé que pendant des années, les néo-démocrates, les syndicats et les constructeurs automobiles ont demandé aux gouvernements libéraux et conservateurs une «stratégie pancanadienne pour l'automobile [...] afin de s'assurer que les chaînes de montage et les processus manufacturiers s'adaptent aux besoins changeants de l'industrie manufacturière».

«Les gouvernements successifs, incluant le gouvernement libéral de Justin Trudeau, ont ignoré ces appels et aujourd'hui, le gouvernement se trouve à court d'options pour affronter cette crise», a soutenu le député ontarien de Windsor, une autre ville qui dépend beaucoup du secteur automobile.

«La semaine dernière, le gouvernement de Justin Trudeau a offert aux entreprises comme General Motors 14 milliards en congés fiscaux, en disant que cela garantirait que nos emplois resteraient au Canada, poursuit M. Masse. Aujourd'hui, nous voyons à quel point le gouvernement libéral ne comprend pas ce à quoi les gens sont confrontés.»

À l'échelle provinciale, la chef néo-démocrate Andrea Horwath a accusé le gouvernement Ford de baisser les bras un peu trop vite. «En 14 ans à l'Assemblée législative, je n'ai jamais vu un gouvernement se défiler aussi vite et jeter l'éponge plutôt que de sauver de bons emplois dans cette province», a déclaré Mme Horwath.

Le chef libéral par intérim, John Fraser, a estimé que la fermeture de GM constituait la «pire catastrophe économique» de la province depuis la récession de 2008.