L'impact des importantes réductions de prix imposées aux producteurs pétroliers albertains et au gouvernement provincial, qui leur coûtent des millions de dollars chaque jour, pourrait être amoindri si le secteur bénéficiait d'un congé de redevances temporaire en contrepartie d'une production inférieure, a fait valoir lundi un analyste.

Dans un rapport publié lundi, Greg Pardy, de la Banque Royale, a fait valoir que le pétrole albertain était soumis à ses plus importants rabais depuis plusieurs années pour deux raisons précises : la trop faible capacité du réseau de pipeline et le fait que les barils ne peuvent plus être stockés en Alberta en raison d'un manque d'espace.

La solution traditionnelle consisterait à charger le pétrole excédentaire à bord des wagons de chemin de fer, mais cette capacité est également pleine et croît trop lentement pour faire la différence, a-t-il souligné.

« Dans le contexte d'un déséquilibre de l'offre nette estimé entre 160 000 et 185 000 barils par jour, nous estimons qu'un congé de redevances de 5 % sur la production de pétrole de 3,8 millions de barils par jour (selon l'estimation actuelle) de l'Alberta pourrait temporairement retirer du marché environ 190 000 barils par jour », a-t-il calculé dans son rapport.

« En l'espace de trois mois et demi, ce plan de match pourrait alléger les stocks de l'Ouest canadien d'environ 4,8 millions à 7,4 millions de barils, soit 16 à 25 % de l'espace de stockage estimé, ce qui ouvrirait la porte à une normalisation étendue. »

Selon l'Office national de l'énergie (ONÉ), les exportations de pétrole brut par chemin de fer du Canada ont atteint le niveau record de 229 544 barils par jour en août. Cela représentait une hausse de plus de 11 % par rapport aux 206 624 barils par jour transportés en juillet et une progression de 91 % par rapport aux quelque 120 000 barils par jour livrés par voie ferrée en août 2017.

Selon la Banque Royale, les exportations par chemin de fer devraient atteindre 250 000 barils par jour au quatrième trimestre.

Les contraintes du réseau de pipelines sont pointées du doigt pour expliquer l'excédent de pétrole dans l'Ouest canadien, ce qui force les producteurs de Western Canadian Select, un mélange tiré des sables bitumineux, à consentir un rabais de plus de 50 $ US par baril par rapport au cours de référence de New York, le West Texas Intermediate.

Un pont à court terme

La semaine dernière, la première ministre de l'Alberta, Rachel Notley, a appelé Ottawa à agir pour accroître la capacité de transport ferroviaire de pétrole, en tant que solution « à court et à moyen terme » pour améliorer l'accès au marché, faisant valoir que les bas prix nuisent aux gouvernements et aux producteurs.

Mais M. Pardy a soutenu que l'Alberta avait le pouvoir d'améliorer les prix du pétrole brut, soulignant que l'avantage d'intervenir sur le marché pour drainer le stockage d'environ 30 millions de barils serait remboursé lorsque les prix remonteraient et que ses redevances seraient rétablies.

« Si nous saluons les efforts déployés par la première ministre de l'Alberta, Rachel Notley, pour accélérer le traitement du pétrole brut par rail, il pourrait également y avoir un pont à court terme », a-t-il affirmé.

« À titre temporaire, le congé de redevances pourrait être demandé, en fonction des besoins, jusqu'à ce que d'autres solutions soient mises en place, à savoir des charges supplémentaires de brut par rail et le remplacement de la canalisation 3 d'Enbridge, d'une capacité de 375 000 barils par jour (le pipeline devrait démarrer à la fin de 2019). »

Dans sa mise à jour budgétaire du 31 août, l'Alberta estimait qu'elle toucherait 3,6 milliards de redevances pétrolières cette année, ce qui signifie que les abandonner pour une période de trois mois lui coûterait environ 900 millions.

Le gouvernement provincial n'a pas immédiatement répondu à une demande de commentaire.

Les chemins de fer canadiens hésitent à ajouter des locomotives et des équipes pour s'occuper du transport du pétrole à moins que les producteurs signent des contrats à long terme. Ils craignent que ces clients disparaissent dès que la capacité des pipelines, jugée moins chère et plus sûre, sera disponible.

Le producteur de sables bitumineux Cenovus Energy a récemment annoncé la signature d'un contrat à long terme visant à acheminer 100 000 barils par jour de son pétrole brut lourd transporté sur des voies ferrées canadiennes vers la côte américaine du golfe du Mexique, afin d'y être raffiné.