Apple et Samsung ont croisé le fer mardi devant la Cour suprême des États-Unis sur la portée du brevet protégeant le design de l'iPhone, que le fabricant sud-coréen a copié pour ses propres téléphones intelligents.

Coïncidence du calendrier, ce rendez-vous judiciaire au sommet est intervenu le jour même où Samsung a annoncé cesser définitivement la production de son Galaxy Note 7, plombé par un rappel désastreux pour cause de batteries explosives.

Les débats très pointus devant les huit magistrats du temple du droit américain étaient censés trancher une querelle opposant les deux géants mondiaux depuis 2011.

Retour en arrière: en 2010 sort le Samsung Galaxy S, un téléphone présentant plusieurs caractéristiques de l'iPhone d'Apple, apparu lui trois ans plus tôt.

Après avoir saisi la justice, le géant californien obtient en 2012 la condamnation de Samsung pour violations de brevets, le jury estimant les dommages à plus d'un milliard de dollars.

Les coins arrondis copiés

Concrètement, le sud-coréen est reconnu coupable d'avoir utilisé pour ses produits les fameux coins arrondis des téléphones intelligents d'Apple, ainsi que le pavé d'icônes apparaissant sur les écrans.

L'amende a depuis été réduite et, mardi, la Cour suprême n'avait à considérer qu'une pénalité controversée de 400 millions de dollars infligée à Samsung.

Mais la question centrale qui a plongé dans la perplexité les juges est celle de la portée des brevets protégeant l'iPhone.

Cet aspect technique pourrait avoir de grandes répercussions dans de nombreux secteurs industriels où le design et la création tiennent une large place.

Une cour d'appel a en effet condamné Samsung à reverser à Apple tous les bénéfices tirés des ventes de ses smartphones partiellement inspirés de l'iPhone.

Le géant sud-coréen affirme au contraire qu'il est déraisonnable de fonder le montant des pénalités sur la valeur totale d'un smartphone, alors que la violation de brevet ne concerne seulement que l'apparence extérieure.

«Un smartphone est intelligent justement car il est composé de centaines de milliers de technologies», a plaidé mardi Kathleen Sullivan, l'avocate de Samsung.

Elle a estimé qu'il ne faisait «aucun sens» de ne pas différencier ces éléments pour calculer les dommages et intérêts liés aux violations d'un brevet.

«Un design n'est pas un composant, un design s'applique à un objet», a rétorqué Seth Waxman, l'avocat d'Apple.

Samsung, a-t-il assuré, faisait face à une «crise de design» pour ses smartphones, les clients plébiscitant l'iPhone d'Apple et le fabricant sud-coréen est selon lui parvenu à relancer ses ventes en copiant un design indissociable du téléphone d'Apple.

Derrière ce débat se trouve l'équilibre sensible à trouver entre innovation technologique et protection d'un design visuel.

Samsung assure que la multiplication de brevets nuit à l'innovation, en augmentant les risques de poursuites judiciaires farfelues ou coûteuses pour des pseudo-violations de concepts.

Téléphones intelligents qui se ressemblent

Le groupe sud-coréen a reçu le soutien de géants de la Silicon Valley et du secteur informatique, parmi lesquels Google, Facebook, Dell ou Hewlett-Packard, ainsi qu'une association de professeurs de droit.

À l'opposé, Apple a obtenu l'appui de grands créateurs de la mode et de l'industrie, comme les groupes Calvin Klein ou Adidas, ainsi que des juristes spécialisés dans les droits de propriété intellectuelle.

Semblant réceptifs aux arguments de Samsung, les juges se sont en revanche demandé comment calculer le montant des réparations si on décidait qu'un design ne s'applique seulement à l'apparence extérieure d'une chose.

Comment savoir, ont-ils par exemple interrogé, dans quelle proportion un client achète un produit en raison de son design ?

Les magistrats ont notamment pris comme exemple la Volkswagen Beetle, à la silhouette emblématique.

«Il se pourrait que la carrosserie représente seulement 10% du coût de la voiture, mais que 90% des bénéfices (des ventes) proviennent de la forme du véhicule», a fait remarquer la juge Sonia Sotomayor.

«Un solide dispositif de brevets force les entreprises technologiques à innover, et non pas à copier», assure Matthew Siegal, un expert spécialisé.

«Les différences entre les smartphones de Samsung et d'Apple sont (devenues) marginales en raison des copies et non de l'innovation».

Le jugement qui sera rendu dans plusieurs mois pèsera lourd dans la lutte technologique et judiciaire acharnée que se livrent les deux géants mondiaux.

Ce conflit s'est un temps déroulé sur plusieurs continents, avant de se concentrer désormais devant les tribunaux américains.