Après 11 ans d'attente, les victimes du scandale financier Mount Real ont finalement obtenu une grande victoire, cette semaine. Leur recours collectif vient de se solder par un règlement à l'amiable, qui leur accorde un dédommagement de 43 millions de dollars.

Mount Real, rappelons-le, est cette organisation dirigée par l'ex-comptable Lino Matteo qui a floué quelque 1600 investisseurs pour environ 130 millions de dollars. Les investisseurs avaient injecté des fonds dans l'organisation montréalaise sous forme de prêts, avec promesse de rendements de 8 à 12 %.

Or, il s'est avéré que Mount Real était une coquille vide dont le fonctionnement s'apparentait à un stratagème à la Ponzi. L'entreprise a été mise sous tutelle en novembre 2005 par l'Autorité des marchés financiers (AMF). C'est une enquête de La Presse, publiée en juin 2005, qui avait tout déclenché.

En 2011, les victimes avaient obtenu l'autorisation du tribunal d'intenter un recours collectif contre les ex-dirigeants, les firmes comptables et les gardiens de valeurs des titres des investisseurs. Cet été, d'intenses négociations ont permis d'en arriver à un règlement à l'amiable, qui s'est finalement conclu cette semaine.

« On est très contents, très très contents », nous dit la représentante des victimes au recours, Andrée Ménard, qui rappelle que les victimes sont pour la plupart âgées de plus de 70 ans.

Il faut savoir que contrairement aux victimes de Norbourg, Earl Jones et Cinar, ceux de Mount Real n'avaient obtenu aucune compensation. Ils avaient notamment cherché à être indemnisés par le programme l'AMF, comme ce fut le cas de Norbourg, mais sans succès.

Certains investisseurs comptaient sur ces placements pour assurer leur retraite. D'autres qui étaient déjà à la retraite avaient dû recommencer à travailler. Plusieurs sont morts depuis la faillite de Mount Real, en 2005.

Cinq firmes ont ainsi accepté de verser 43 millions de dollars aux victimes, mais sans admettre leur responsabilité. Il s'agit des firmes comptables Deloitte, BDO et Schwartz Levitsky Feldman, qui avaient agi à titre de vérificateurs comptables des états financiers de Mount Real, de même que les gardiens de valeurs Penson et B2B Trust.

Les individus poursuivis en recours collectif ne sont pas parties à l'entente et le recours demeure actif. Parmi eux se trouvent Lino Matteo, Joseph Pettinicchio et Paul D'Andrea.

Un cadeau de Noël

Le règlement doit être entériné par le tribunal prochainement. Si tout se déroule bien, les victimes recevront leur dédommagement avant Noël ou au début de 2017.

« C'est un excellent règlement. Il aurait probablement fallu se rendre en Cour suprême pour avoir gain de cause, ce qui aurait pris beaucoup de temps », explique l'avocat Bruce Johnston, de la firme Trudel Johnston.

Les victimes avaient confié le recours à cette firme d'avocats moyennant rémunération à pourcentage, mais sans garantie d'honoraires. Trudel Johnston touchera donc 20 % des 43 millions pour son travail, qui a duré huit ans.

Les quelque 34 millions restants seront répartis entre les victimes selon le capital qu'elles avaient investi à l'origine dans l'affaire. Ce capital s'élève à 68 millions, selon les estimations, le reste des 130 millions étant les intérêts soi-disant accumulés et réinvestis au fil des ans par les investisseurs.

Au net, les victimes peuvent donc s'attendre à toucher environ 50 % du capital prêté à l'origine.

L'âme dirigeante de Mount Real, Lino Matteo, subit toujours son procès pénal dans cette affaire. L'AMF a déposé 308 chefs d'accusation contre Matteo, qui est passible de cinq ans de prison.

Par ailleurs, le 22 juin dernier, Matteo a été condamné à une peine d'emprisonnement de huit ans pour son rôle dans le transfert des fonds de Cinar aux Bahamas, au début des années 2000. Il avait aidé Ronald Weinberg et John Xanthoudakis à masquer l'utilisation réelle des fonds.

Moins que Norbourg, autant qu'Earl Jones

Les investisseurs de Mount Real obtiennent un dédommagement comparable à celui des victimes de l'homme d'affaires Earl Jones, mais moindre que celui des victimes de Norbourg.

En 2012, les 150 victimes du conseiller Earl Jones avaient obtenu 17 millions de la Banque Royale. Une fois les frais d'avocats retranchés, il leur est resté 12,5 millions, soit environ la moitié des fonds perdus.

Dans le cas de Mount Real, le règlement leur donne 43 millions (34,4 millions après les frais d'avocats), ce qui couvrira environ 50 % du capital qu'ils avaient investi dans l'organisation.

Dans le cas de l'entreprise Norbourg, dirigée par Vincent Lacroix, les victimes ont reçu 31 millions du Fonds d'indemnisation des services financiers, en plus de 140 millions provenant de la liquidation des actifs de Lacroix et Norbourg. Après les frais d'avocats de 11,6 millions, ils ont obtenu l'équivalent de 85 % de leurs capitaux.

Faits saillants de l'affaire Mount Real

Novembre 2005 : Mount Real est mise sous tutelle par l'AMF, qui juge que l'entreprise est une coquille vide. La faillite survient au printemps 2006.

Janvier 2007 : 619 chefs d'accusation sont déposés contre les 24 conseillers qui ont vendu les produits de Mount Real. 23 des 24 ont plaidé coupable ou ont été déclarés coupables (amendes de 3,35 millions)

Août 2011 : Recours collectif autorisé contre les dirigeants de Mount Real et leurs firmes comptables

Mars 2013 : Début du procès de l'AMF contre le PDG de Mount Real, Lino Matteo

Juin 2016 : Lino Matteo est reconnu coupable dans l'affaire Cinar, pour laquelle il purge une peine d'emprisonnement de huit ans. Son procès dans l'affaire Mount Real suit son cours

Septembre 2016 : Règlement à l'amiable de 43 millions pour les victimes de Mount Real

Photo David Boily, Archives La Presse

Mount Real était dirigée par l'ex-comptable Lino Matteo, qui a floué quelque 1600 investisseurs pour environ 130 millions de dollars.