La banque américaine Wells Fargo fait l'objet de vives critiques pour avoir ouvert des comptes factices au nom de clients, des pratiques qui relancent le débat sur la probité des banques moins de dix ans après la crise financière.

«Je ne veux pas commenter un cas particulier, mais d'après ce que j'ai vu, ils ont mal agi (...). C'est un comportement inacceptable», a fustigé mardi le secrétaire américain au Trésor Jack Lew.

Wells Fargo a écopé en fin de semaine dernière d'une amende de 185 millions de dollars, infligée par le Bureau américain de protection des consommateurs (CFPB) pour des malversations commises par ses conseillers en clientèle. Ceux-ci ont ouvert deux millions de comptes bancaires non autorisés au nom de clients pendant cinq ans afin d'atteindre des objectifs commerciaux et de gagner des primes et bonus.

Environ 5300 salariés ont été licenciés, assure Wells Fargo, qui abrite 40 millions de comptes bancaires ouverts par les particuliers aux États-Unis et octroie un prêt immobilier sur trois.

Le Sénat, via sa commission bancaire, a annoncé vouloir entendre le PDG John Stumpf le 20 septembre prochain. Trois sénateurs ont également réclamé une enquête.

Fin des objectifs commerciaux

Pour éteindre l'incendie, l'établissement, qui est basé à San Francisco en Californie et compte comme actionnaire le milliardaire Warren Buffett, a décidé de supprimer les objectifs commerciaux fixés aux conseillers en clientèle à compter du 1er janvier 2017.

«Nous supprimons les objectifs liés à la vente de produits commerciaux parce que nous voulons nous assurer que nos clients ont entière confiance dans le fait que nos conseillers se soucient principalement de leur intérêt», explique M. Stumpf.

Si l'affaire n'aura pas un impact matériel sur les profits, elle ternit en revanche la réputation de Wells Fargo, la seule grande banque américaine qui avait été épargnée par la crise des crédits immobiliers toxiques «subprime» car elle est peu présente dans les activités spéculatives.

Elle se finance essentiellement par les dépôts de ses clients et gagne de l'argent en en prêtant et a passé haut la main les tests de résistance depuis 2011. Ses niveaux de fonds propres sont nettement au-dessus des exigences de la réforme Bâle III.

Évoquant un «épisode embarrassant», Moody's estime toutefois que les révélations des régulateurs sont «choquantes» et pourraient entrainer un abaissement de la note de solidité financière.

«Elles mettent en lumière le fait que les capacités de Wells Fargo à vendre différents produits financiers ont été surévaluées. Sa politique de primes a conduit à des pratiques inappropriées et répandues», déplore l'agence de notation.

«Le secteur des services financiers a connu des exemples similaires de programmes de bonus mal conçus dont un éventail large a conduit à la crise des subprimes», renchérit Jim Sinegal, analyste chez Morningstar.

La vente croisée (cross selling), qui consiste à suggérer à un client un ou plusieurs produits complémentaires à celui qu'il s'apprête à acheter, est considérée comme la force traditionnelle de Wells Fargo. Cette technique commerciale lui a par exemple permis de tirer profit de l'explosion du marché du refinancement des prêts immobiliers aux États-Unis.

À Wall Street, certains, tel l'expert Mike Mayo chez CLSA, enjoignaient mardi Wells Fargo à récupérer les primes et bonus versés à l'ex-patronne de la banque de détail, qui a pris sa retraite en juillet après 27 ans au sein de l'établissement pour lui faire assumer le coût du scandale. Carrie Tolstedt, 56 ans, avait perçu une rémunération totale de 9,05 millions de dollars au titre de 2015. Au total, elle a reçu des options d'achat d'actions d'une valeur totale de 124,7 millions de dollars, selon des documents boursiers.

Cette affaire vient renforcer le camp des partisans d'un durcissement de la règlementation contre Wall Street, dont la cupidité est l'un des thèmes de la campagne en cours pour la Maison-Blanche.

«Elle donne des munitions supplémentaires à ceux qui prônent la scission des grandes banques», avance Jaret Seiberg, expert chez Cowen.

Pour Jack Lew, «il faut que les gens se souviennent combien le système est dangereux quand vous n'avez pas en place les garde-fous appropriés».

Le directeur du CFPB, Richard Cordray, a essayé de rassurer en faisant savoir que les pratiques illicites de Wells Fargo n'étaient pas généralisées à l'ensemble de l'industrie bancaire.