L'enquête pour délit d'initié déclenchée il y a deux ans, à la suite de l'acquisition de PokerStars par Amaya, a permis à l'Autorité des marchés financiers (AMF) de découvrir que deux ex-courtiers de la Financière Banque Nationale (FBN) auraient réalisé des profits d'environ 90 000 $US chacun après avoir fait des transactions en Bourse en utilisant des informations privilégiées.

Les dossiers de Robert Hamou et de Michael Abdoo sont actuellement considérés comme des « éléments factuels d'enquête » par l'AMF qui poursuit son investigation.

L'enquêteur Xavier Saint-Pierre a même révélé hier, devant le Tribunal administratif des marchés financiers, que la Securities and Exchange Commission (SEC) américaine avait fait une demande d'assistance à l'AMF il y a deux ans concernant, notamment, Robert Hamou et Michael Abdoo.

L'AMF souligne dans son résumé d'enquête amendé que Robert Hamou, à l'époque où il travaillait à la FBN, était le conseiller de Craig Levett. Ce dernier est un partenaire d'affaires de longue date de Josh Baazov, le frère de l'ex-PDG d'Amaya David Baazov. L'AMF considère Craig Levett comme une pièce centrale du stratagème de transmission d'informations sous forme pyramidale derrière une série de délits d'initié survenus au cours des six dernières années.

Robert Hamou a quitté la FBN plus tôt cette année et occupe aujourd'hui un poste de gestionnaire de portefeuille adjoint chez Dorchester Gestion d'actifs à Montréal. Michael Abdoo a, de son côté, quitté la FBN à la fin de l'année 2014 et occupe depuis ce temps un poste de conseiller en placement chez Gestion de patrimoine TD à Montréal.

Selon l'AMF, les deux hommes auraient réalisé leurs profits illégaux à l'aide de produits dérivés, c'est-à-dire en investissant dans des options d'achat à courte échéance. Robert Hamou et Michael Abdoo auraient passé des ordres d'achat d'options d'achat sur le titre de l'entreprise WMS en janvier 2013, quelques jours seulement avant l'annonce de l'acquisition de WMS par Scientific Games le 31 janvier 2013. C'est du moins ce que soutiennent des documents déposés par le gendarme boursier québécois devant les tribunaux.

L'AMF fait valoir qu'en effectuant ses opérations, Michael Abdoo anticipait que le titre de WMS allait s'apprécier alors qu'il était à la baisse et que presque tous les analystes ne recommandaient pas son achat. 

« Abdoo a indiqué dans un courriel que c'est après avoir parlé avec Robert Hamou qu'il s'est intéressé à WMS. » - Extrait du résumé d'enquête de l'AMF

« Une analyse interne de la FBN a révélé que les transactions de Michael Abdoo et de Robert Hamou sortaient de leurs habitudes de négociation », indique l'AMF, qui ajoute que trois autres clients de Robert Hamou ont acheté des actions de WMS durant cette même période. L'AMF évoque que, selon la version de Robert Hamou, les transactions n'ont pas été sollicitées par le représentant, et les clients auraient investi après avoir parlé à Craig Levett.

L'AMF rapporte que les options d'achat de Robert Hamou et de Michael Abdoo ont été vendues le jour même de l'annonce de l'acquisition de WMS par Scientific Games. Toujours selon l'AMF, suivant les transactions de Robert Hamou et de Michael Abdoo, une enquête interne a été ouverte par la FBN, leur employeur de l'époque.

EXPLICATIONS ET RÉACTIONS

Au cours de cette enquête, les deux représentants ont fourni des explications, souligne l'AMF. « L'une d'elles était à l'effet que l'analyste de la firme Credit Suisse qui couvrait le titre de WMS avait fait une recommandation d'achat. Or, sur les 16 analystes qui couvraient le titre de WMS, l'analyste de Credit Suisse était l'un des trois seuls à en recommander l'achat. »

Une position sur options d'achat à courte échéance représentait un investissement risqué pour les deux représentants, a souligné l'enquêteur Xavier Saint-Pierre, hier, durant son témoignage qui servait à déballer en détail la preuve de l'AMF.

Appelés à réagir, les porte-parole de la FBN et de la SEC ont indiqué à La Presse hier qu'ils préféraient ne pas commenter l'affaire. Nos messages laissés à Robert Hamou, à Michael Abdoo, à la TD ainsi que chez Dorchester Gestion d'actifs sont demeurés sans réponse.

Aujourd'hui, les avocats de David et Josh Baazov vont contre-interroger l'enquêteur Xavier Saint-Pierre au sujet, notamment, de la provenance de la preuve récoltée pour l'ensemble de l'enquête ouverte à l'été 2014 par l'AMF dans la foulée de l'achat de PokerStars au coût de 5 milliards US.

Fondateur et ex-PDG d'Amaya, David Baazov fait face à cinq chefs d'accusation pour délit d'initié. Il est soupçonné d'être à l'origine d'une divulgation majeure d'informations privilégiées. Selon l'enquête, il informait son frère Josh de faits nouveaux entourant des transactions en préparation, et ce dernier relayait ensuite les renseignements à d'autres personnes.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Robert Hamou et Michael Abdoo, soupçonnés d'avoir utilisé des informations privilégiées, travaillaient tous deux à la Financière Banque Nationale lors des événements.

PHOTO tirée du site de Dorchester Gestion d’actifs

Robert Hamou