Nouveau rebondissement dans le dossier Amaya, cette entreprise de Pointe-Claire dont l'acquisition médiatisée du site PokerStars il y a deux ans a déclenché une importante enquête pour délit d'initiés.

La Presse a appris que le fondateur et ex-PDG d'Amaya, David Baazov, aurait non seulement communiqué des informations privilégiées à des partenaires, mais aussi effectué lui-même des transactions sur le titre boursier d'Amaya quelque temps avant l'annonce de l'acquisition de PokerStars.

Il s'agit d'une information que l'Autorité des marchés financiers (AMF) avait gardée secrète plus tôt ce printemps lors du dépôt d'accusations formelles contre David Baazov et deux de ses partenaires.

L'AMF avait annoncé le 23 mars le dépôt de cinq chefs d'accusation contre David Baazov, mais n'avait précisé que trois de ces cinq chefs d'accusation, soit que la PDG aurait communiqué une information privilégiée, influencé ou tenté d'influencer l'action d'Amaya et aidé à transiger en possession d'une information privilégiée.

Des documents obtenus par La Presse en vertu de la Loi sur l'accès à l'information révèlent avec précision le libellé des cinq chefs d'accusation déposés par l'AMF contre David Baazov. On apprend que David Baazov est accusé d'avoir réalisé des opérations sur les titres d'Amaya au printemps 2014 alors qu'il disposait d'une information privilégiée.

Les transactions illégales réalisées par David Baazov auraient été effectuées entre le ou vers le 17 avril 2014, et le ou vers le 30 mai 2014. Amaya a annoncé le 12 juin 2014 l'acquisition de PokerStars, une transaction évaluée à 5 milliards US.

Cette acquisition a fait exploser la valeur des actions d'Amaya. Dans les semaines précédant la transaction, le titre d'Amaya est passé de 5 $ à 12 $, dans un volume anormalement élevé. Trois mois plus tard, le titre valait plus de 35 $.

«COURS ARTIFICIEL POUR LE TITRE D'AMAYA»

Les documents consultés par La Presse révèlent aussi que durant cette même période du printemps 2014, David Baazov «se serait livré ou aurait participé à une opération, à une série d'opérations sur les titres d'Amaya ou à une méthode de négociation relative à une opération sur ces titres, à un acte, à une pratique ou à une conduite qui a créé ou contribué à créer une apparence trompeuse d'activité de négociation ou un cours artificiel pour le titre d'Amaya».

Des précisions additionnelles entourant toutes les accusations déposées ce printemps sont également fournies dans les documents obtenus par La Presse.

Il est notamment spécifié que David Baazov est accusé d'avoir communiqué de l'information privilégiée à Yoel Altman, un de ses proches conseillers, ou de lui avoir recommandé d'effectuer des opérations sur les titres d'Amaya au début du mois d'avril 2014.

Également au début d'avril 2014, David Baazov, de concert avec Yoel Altman et Benjamin Ahdoot - un ami d'enfance et ex-employé d'Amaya -, aurait réalisé une opération boursière sur le titre Amaya, aurait influencé ou tenté d'influencer le cours boursier d'Amaya et aurait fait des opérations les sachant trompeuses, le tout en contravention aux lois.

Le porte-parole officiel de David Baazov a laissé savoir à La Presse hier que son client n'avait pas de commentaires à formuler. « Nous allons nous en tenir à notre déclaration d'il y a quelques semaines », a mentionné Ian Robertson.

David Baazov avait fait savoir en mars qu'il entendait contester «vigoureusement» les faits qui lui sont reprochés en prétendant que ces allégations étaient fausses. «Bien que je sois profondément déçu de la décision de l'AMF, je demeure très confiant [en mes chances] d'être exonéré», avait-il dit.

À la fin mars, David Baazov s'est retiré temporairement de la haute direction de l'entreprise, prenant un congé payé d'une durée indéterminée afin de se concentrersur l'offre de rachat qu'il voudrait présenter pour acquérir Amaya. Cependant, M. Baazov occupe toujours un poste d'administrateur.

- Avec la collaboration de William Leclerc