Pour la première fois depuis le début du choc pétrolier, la Banque du Canada se montre encouragée par les perspectives économiques moins sombres qui se profilent au Canada, en dépit d'une détérioration sur la scène mondiale.

Devant la presse, son gouverneur Stephen Poloz a indiqué que trois éléments concourent à assombrir la conjoncture, plus que compensés cependant par les effets stimulants du budget fédéral présenté le 22 mars.

La prévision de croissance de l'économie mondiale est ramenée à 3,0 % et 3,4 % en 2016 et 2017, soit un peu moins que le scénario publié mardi par le Fonds monétaire international. La faiblesse des investissements va s'accentuer, surtout dans le secteur de l'énergie, en dépit de l'appréciation récente des prix du pétrole. La Banque postule aussi que la valeur du dollar canadien sera de 76 cents US d'ici à la fin de 2018. Ces quatre cents de plus que son hypothèse de janvier vont ralentir la croissance des exportations. Précisons que le huard était au-dessus des 78 cents US, hier.

« Les mesures budgétaires viendront plus que compenser les effets négatifs des trois autres changements que je viens de mentionner, a précisé M. Poloz. L'effet net est que nos prévisions de croissance pour l'économie sont généralement plus élevées que celles présentées en janvier. »

Tout cela a milité pour la reconduction sans surprise du taux cible de financement à un jour. Depuis juillet, il est fixé à 0,5 %. Les marchés financiers ne s'attendent plus à une nouvelle baisse. Ils anticipent un statu quo prolongé, même si l'économie canadienne retrouvera son plein potentiel en seconde moitié de l'an prochain, soit quelques mois plus tôt que dans la projection de janvier.

Devant la presse, la première sous-gouverneure Carolyn Wilkins a précisé que le taux directeur neutre se situe sans doute aux environs de 3,25 %, soit un quart de moins que l'estimation publiée il y a un an et demi. Le taux neutre est celui où la politique monétaire n'est ni restrictive ni accommodante comme maintenant.

M. Poloz a précisé que l'absence d'indications tangibles de reprise des investissements ou de solide création d'entreprises ne permet pas encore « un retour à une croissance naturelle et autosuffisante », c'est-à-dire sans accommodement monétaire.

Le nouveau scénario économique contenu dans le Rapport sur la politique monétaire (RPM) projette que le rythme annualisé d'expansion a été de 2,8 % de janvier à mars. Dans l'édition de janvier, la Banque avait projeté 1,0 % seulement.

La Banque s'attend à une décélération printanière à 1 % environ avant une nouvelle accélération à compter de l'été. Au bout du compte, elle projette désormais un rythme d'expansion de 1,7 % pour 2016, soit trois dixièmes de plus qu'en janvier.

Pour 2017, elle projette 2,3 %, soit une coche de moins qu'en janvier.

Dans son nouveau scénario, la Banque incorpore les éléments du budget fédéral présenté le 22 mars. Pour l'ensemble de 2016, ils devraient ajouter 0,5 point de pourcentage au rythme d'expansion ; pour 2017, ce sera 0,6 point.

Sans le budget, la Banque aurait plutôt diminué sa prévision de croissance.

L'autre grande différence avec son scénario de janvier se situe dans son appréciation de la croissance américaine, qu'elle estime à 2,0 % seulement pour 2016 (contre 2,4 % en janvier) et 2,1 % (2,4 %) pour l'an prochain.

Cela aura pour effet de diminuer la contribution des exportations nettes canadiennes à la croissance. La Banque note que l'activité dans la construction domiciliaire se concentre surtout dans le segment multilogements. Cela diminue la demande pour le bois d'oeuvre, les meubles, armoires, portes et fenêtres canadiens.

Pour l'an prochain, le commerce international devrait même entraver l'expansion canadienne. Si l'augmentation des exportations sera plus lente, il y aura surtout une forte poussée des importations propulsées par la reprise des investissements des entreprises dont plusieurs fonctionnent désormais à plein rendement, en particulier dans la transformation du bois.

Les perspectives en matière d'inflation restent peu changées par rapport à celles de janvier. L'indice des prix à la consommation (IPC) devrait revenir à la cible de 2 % au deuxième semestre de l'an prochain seulement tandis que l'IPC de référence oscillera près de la cible durant toute la période de projection qui s'étend jusqu'à 2018.

La Banque a aussi réduit le potentiel de croissance de l'économie canadienne pour mieux intégrer les effets du vieillissement de la population et la baisse généralisée et prolongée des investissements des entreprises.

Tout en rappelant qu'il existe une grande incertitude dans l'évaluation de cette mesure, la Banque l'estime à 1,5 % seulement d'ici à 2018 et à 1,6 % pour les années suivantes.

En conséquence, l'économie devrait fonctionner au maximum de sa capacité au deuxième semestre de l'an prochain, soit quelques mois plus tôt que ce que la Banque avait estimé en janvier.

La prochaine date de fixation du taux directeur est le 25 mai.

Infographie La Presse