Les autorités monétaires américaines nous ont peu habitués à leurs inquiétudes sur la conjoncture internationale économique et financière.

Les communiqués de la Réserve fédérale (Fed) et les discours de ses gouverneurs ou de ses présidents régionaux portent en général sur les nombreuses facettes de la conjoncture américaine.

Le procès-verbal de la réunion des 15 et 16 mars du Comité de politique monétaire, publié hier, se distingue par les profondes préoccupations de ses membres à propos des risques que posent les difficultés économiques de beaucoup de pays émergents sur les perspectives de l'économie américaine, tant en matière de croissance que de faible inflation.

Ainsi, de nombreux participants sont d'avis que la consommation des ménages sera en partie neutralisée par la faiblesse des exportations associée à une croissance internationale médiocre et à l'appréciation du billet vert depuis le milieu de 2014.

Plusieurs sont aussi d'avis que des facteurs extérieurs qui ont nourri la détérioration globale des marchés financiers en début d'année sont encore présents et représentent des risques baissiers.

On lit ailleurs dans ce compte rendu que la plupart des participants jugent que la croissance mondiale sera sans doute plus lente que ce qui avait été anticipé en décembre.

Dès lors, on ne sera guère surpris que beaucoup de participants estiment qu'une démarche plus lente de normalisation du taux directeur que celle projetée en décembre paraisse désormais plus indiquée pour la réalisation du double mandat de la Fed, à savoir maximiser l'emploi tout en stabilisant les prix.

Des risques accrus sur les perspectives de croissance expliquent aussi en partie pourquoi les attentes inflationnistes restent en deçà de l'objectif d'augmentation annuelle de 2 % de l'indice des dépenses personnelles de consommation, la mesure de référence de l'inflation retenue par les autorités monétaires américaines.

La majorité des 17 membres du Comité font valoir que, dans un pareil contexte, la marge de manoeuvre actuelle de la Fed est asymétrique. Il lui sera facile d'accélérer le rythme d'augmentation des taux, si d'aventure l'inflation se raffermit plus vite qu'escompté.

En revanche, dans la fourchette actuelle de 0,25 à 0,50 %, il reste peu d'espace pour assouplir davantage les conditions monétaires par les moyens orthodoxes, si les pressions déflationnistes devaient se raffermir.

Cela laisse croire que la Fed paraît convaincue que le taux actuel parviendra à relancer les prix vers leur cible d'augmentation et qu'elle est même disposée à tolérer un certain temps un taux d'inflation qui pourrait dépasser sa cible de 2 %. C'est une possibilité réelle à moyen terme, étant donné que le dollar américain a cessé de s'apprécier par rapport à la plupart des grandes devises et que le prix du pétrole semble avoir trouvé son creux.

Voilà pourquoi la projection médiane du rythme de normalisation des Fed Fund Rates prévoit deux hausses de 25 centièmes de la fourchette cette année, plutôt que quatre comme les membres l'avaient projeté en décembre.

La décision de ne pas hausser le taux à cette réunion a été prise par neuf voix contre une. La gouverneure Esther L. George a expliqué sa dissidence en faisant valoir que la situation actuelle était conforme aux objectifs à long terme de la Fed et que le marché du travail s'est considérablement renforcé.

Le procès-verbal révèle qu'une autre personne parmi les sept membres non votants partage aussi cette vue.

Compte tenu du penchant bien connu de la présidente de la Fed Janet Yellen pour une politique monétaire très accommodante, il est bien possible que d'autres membres au sein du Comité choisissent d'attendre encore un peu avant d'exprimer publiquement leurs vues en faveur d'une normalisation un peu plus dynamique.

Cela présume d'un probable statu quo à la prochaine réunion des 26 et 27 avril, mais que les échanges au sein du Comité seront de plus en plus musclés à compter de juin, surtout si se maintient la volonté d'une majorité de membres de rester plus longtemps en touche.