Les chiffres sont bien laids en apparence : un déficit qui passe de 5,4 à 29,4 milliards, sans perspective aucune de retour à l'équilibre en vue.

Pire, le ratio de la dette de 648,7 milliards sur la taille de l'économie augmente de 1,3 point, à 32,5 %, entre 2015-2016 et 2016-2017 et ne diminuera pour la peine qu'en 2018-2019, lorsqu'elle aura tout de même franchi le cap des 700 milliards.

Le ministre des Finances Bill Morneau a pourtant répété qu'un déficit budgétaire n'est pas dramatique du moment que ce ratio diminue au fil du temps.

L'opposition ne manquera pas de le lui rappeler.

Sauf que M. Morneau a déposé hier un plan budgétaire quinquennal sans doute capable de tenir la route, même si l'économie canadienne devait connaître une récession de moyenne envergure.

La Grande Récession de 2008-2009 avait particulièrement mordu dans les finances publiques : quand le prix du baril de pétrole passe de 140 à 33 $US en neuf mois, l'économie et les recettes fiscales subissent un choc.

De même, la chute de quelque 100 $ à moins de 45 $ le baril entre octobre 2014 et décembre 2015 a amputé 30 milliards à la taille de l'économie canadienne (le PIB nominal), soit environ 1,5 %.

Pour préparer son budget, M. Morneau a fait l'hypothèse que le prix du baril sera de 40 $ en moyenne cette année. Il projette toutefois une croissance de ses recettes fiscales comme si le prix allait être de 25 $ le baril seulement, alors qu'il est aux environs de 43 $ ces jours-ci.

« Si le gouvernement fondait ses projections budgétaires actuelles sur la moyenne des quatre prévisions les plus élevées [sur 15] à l'égard de la croissance du PIB nominal, lit-on dans le Plan budgétaire, l'équilibre budgétaire serait effectivement atteint en 2020-2021 » et le ratio de la dette serait moins élevé.

La probabilité que la réalité soit quelque part à mi-chemin paraît élevée, tant les coussins que le gouvernement se donne sont corpulents.

Par conséquent, l'écart de 24 milliards entre le solde budgétaire de l'exercice qui s'achève et celui qui commence la semaine prochaine a toutes les chances d'être plus modeste et ne pas devenir le plus élevé à l'extérieur d'une récession.

Comme il l'avait annoncé le mois dernier, M. Morneau diminue de 40 milliards par année la projection du PIB nominal. Cela équivaut à diminuer théoriquement de 6 milliards par année ses rentrées fiscales.

En plus, M. Morneau ne tient pas compte de l'effet des mesures budgétaires pour stimuler la croissance qu'il annonce. Il l'estime pourtant à 0,5 % du PIB réel cette année et à 1,0 % l'an prochain. On en arrive à une autre sous-estimation de la taille de l'économie de quelque 10 milliards pour l'année en cours et d'au moins 20 milliards pour 2017. Il y a donc là encore des recettes fiscales additionnelles de quelques milliards volontairement ignorées.

En contrepartie de ces réserves d'écureuil, le ministre ne prévoit plus de provisions en cas d'éventualités qui avaient été pourtant la marque de commerce de ses prédécesseurs conservateurs et libéraux.

Bref, pour 2016-2017, le déficit prévu de 29,4 milliards est le solde de revenus projetés de 287,7 milliards (en baisse de 3,5 milliards) et de charges de 317,1 milliards (en hausse de 20,5 milliards). Il représente 1,5 % de la taille du PIB.

En 2020-2021, le déficit serait encore de 14,3 milliards tandis que le poids de la dette équivaudrait à 30,9 % du PIB nominal.

La ponction fiscale, c'est-à-dire la taille des revenus budgétaires en proportion de l'économie, diminue de deux dixièmes à 14,4 % cette année avant d'augmenter à 14,5 % pour le reste de la période de projection.

Cela est dû à la baisse de la contribution des sociétés d'État et de l'impôt des sociétés. Dans ce dernier cas, ce n'est pas l'effet d'une nouvelle diminution du taux d'imposition (en fait, des baisses annoncées pour la PME par le gouvernement précédent sont annulées), mais plutôt le résultat de la chute des profits des producteurs d'hydrocarbures.

Le poids des charges de programmes augmente d'un point de pourcentage, à 14,6 % de la taille du PIB. En 2020-2021, la proportion doit diminuer à 13,6 %.

Infographie La Presse