Quand prévaut l'optimisme, il y a toujours un élément sur lequel s'accrocher pour voir la vie en rose. Quand le pessimisme s'installe, en revanche, comme c'est le cas ces jours-ci, tout devient prétexte à broyer du noir.

La croissance réelle de la Chine a-t-elle été de 6,9 % durant l'automne comme les prévisionnistes l'estimaient ? On scrutera surtout les détails qui attesteraient qu'elle sera plus modeste cet hiver.

Est-elle inférieure à 6,9 % ? On peut alors s'attendre à une autre séance houleuse sur les marchés financiers, après la pause new-yorkaise d'hier pour saluer la mémoire de Martin Luther King.

Si, d'aventure, elle a été plus élevée, on remettra en question la fiabilité des chiffres chinois.

L'humeur est morose : les marchés boursiers canadien, européens et de la plupart des économies émergentes sont entrés dans une phase baissière, une situation qui perdure parfois même quand l'économie prend du mieux. Le début du siècle en a donné un bel exemple après le techno-krach de 2000. Il a même fallu attendre jusqu'à l'an dernier pour que le NASDAQ retrouve brièvement ses niveaux de 2001 !

Bref, si le dicton veut que la Bourse soit en avance de six mois sur l'économie réelle, cela ne se vérifie pas toujours.

Certes, il y a de bonnes raisons de s'inquiéter ces jours-ci quand on voit piquer du nez les prix du pétrole et de la plupart des produits de base.

Il est vrai que le secteur manufacturier nord-américain décroît depuis quelques mois et que l'économie des États-Unis a ralenti au quatrième trimestre à un rythme qui avoisine davantage 1 %, contre 2 % au troisième et 3,7 % au deuxième trimestres.

La forte expansion du deuxième trimestre comportait toutefois une bonne part de rattrapage, après le froid polaire de l'hiver dernier qui avait figé nombre d'industries.

Pour 2016, la Réserve fédérale s'attendait, il y a un mois à peine, à une expansion de 2,4 % en 2016. C'est bien peu, affirmeront certains, mais c'est pourtant supérieur à la production potentielle américaine estimée désormais à 2,0 %.

Depuis, les chiffres de l'emploi en décembre sont venus confirmer que l'économie des États-Unis avait encore bien du tonus.

La production industrielle, qui inclut la fabrication, l'extraction et les services publics (électricité, pipelines), traverse un passage à vide, grandement attribuable à la force du billet vert et au temps clément. Toutefois, ce sont les services qui forment le gros, et de loin, de l'économie américaine, à hauteur de 68 %, environ. Et de ce côté, ça ne sent pas du tout la récession, même si les magasins n'ont pas réalisé des ventes de Noël record. Après tout, on ne peut pas chanter les vertus de l'épargne et se désoler en même temps que les ménages dépensent moins...

Il est plus difficile de vraiment prendre le pouls de l'économie chinoise, en pleine mutation d'une production axée sur les exportations manufacturières vers une orientée sur la consommation de biens et de services destinés au marché intérieur.

On perçoit déjà le ressac sur les prix des matières premières, sur la production de certains équipements lourds, mais la Chine va devoir encore importer des biens et services pour combler sa demande intérieure.

Tant et aussi longtemps que ne se dessineront pas nettement ces nouvelles tendances, perdureront le doute, le défaitisme sur les marchés financiers et la ruée vers le dollar américain.

Cela va peut-être ralentir davantage la production manufacturière, mais pas forcément celle des biens culturels ou intellectuels que les Américains développent et exportent à profusion.

Pour le Canada, par contre, ce n'est pas une bonne nouvelle, dans la mesure où on compte surtout sur les exportations manufacturières vers les États-Unis pour soutenir une croissance qui bat de l'aile.

Dans son scénario d'octobre, la Banque du Canada avait bien pris la mesure de la mutation chinoise en prévoyant une croissance de 6,3 % pour 2016. En revanche, elle s'est montrée plus optimiste que la Fed en misant sur un rythme d'expansion de 2,6 % de la première économie du monde.

Demain, les autorités monétaires canadiennes ne voudront pas aiguillonner le pessimisme ambiant, en publiant leur nouveau scénario économique et en fixant le taux directeur, établi à 0,5 % depuis juillet. Elles savent en revanche qu'il faut beaucoup d'aplomb et de hardiesse pour l'infléchir quand les indicateurs économiques ne sont pas convaincants.