Alors que le biais baissier du marché boursier canadien ne fait plus de doute, la question est de plus en plus brûlante aux États-Unis : la chute des cours n'est-elle qu'une correction temporaire dans un marché fondamentalement haussier ou la tendance à long terme s'est-elle renversée ?

L'indice S&P des 500 plus grosses valeurs américaines accuse une baisse de 12,7 % depuis son sommet historique de 2130 points en mai 2015. Le passage sous les 1700 points marquera une décroissance de 20 %, la marque technique d'un marché baissier, ce que les Anglo-Saxons désignent comme un « bear market ».

Le Canada est pour sa part en mode baissier depuis le 7 janvier dernier quand l'indice composé de la Bourse de Toronto a coulé sous les 12 525 points. Il continue de s'enfoncer dans le territoire de l'ours depuis, avec près du quart de sa valeur aujourd'hui effacé.

Toronto a été la deuxième grande Bourse au monde à passer en hibernation. La Bourse de Berlin, en Allemagne, avait déjà cédé sous la pression, en août 2015. Hier, l'ours a aussi fait son entrée à la Bourse de Londres.

LA FÊTE EST À VENIR

« Les marchés haussiers naissent dans le pessimisme, croissent dans le scepticisme, maturent avec l'optimisme et meurent dans l'euphorie », résumait le légendaire gestionnaire de portefeuille John Templeton. On imagine que les marchés baissiers naissent et meurent dans les circonstances contraires. Mais aurions-nous raté la fête ?

Jonathan Golub, grand stratège chez RBC Marchés des Capitaux, croit que le marché américain est toujours porteur de croissance. Historiquement, il n'y a presque jamais eu « bradage de 20 % » en l'absence de récession, rappelle-t-il. Le krach de 1987 a été la seule occasion ces 50 dernières années.

« Même si les différentiels de taux se sont élargis, les prix du pétrole se sont effondrés et les prévisions de bénéfices sont abaissées, la majorité des indicateurs économiques pointent vers une expansion économique continue. » - Jonathan Golub, stratège chez RBC Marchés des Capitaux

David Bianco, stratège à la Deutsche Bank, prévoit lui aussi que la prochaine enjambée de 5 % du S&P 500 sera à la hausse. Les corrections de plus de 5 % sont communes et surviennent normalement au moins une fois par année, rappelle-t-il, les plus violentes étant les plus courtes.

La correction induite par la « récession des profits » et la « réévaluation structurelle » du secteur de l'énergie et « plusieurs industrielles », selon ses termes, a « puni plus que nécessaire les autres secteurs ». La « récession des profits », que confirmera bientôt un deuxième trimestre de décroissance, ne signifie aucunement que l'économie va suivre, précise-t-il.

LE CHIFFRE DU DIABLE

Le gourou de la Société Générale, Albert Edwards, est pour sa part convaincu que la plongée va se poursuivre. Le stratège qui s'est fait un nom en prévoyant la crise asiatique de la fin des années 90 et celle des prêts à haut risque croit que le S&P 500 va même chuter sous son bas du dernier cycle baissier, soit sous le chiffre maléfique de 666 points.

Selon lui, les investisseurs prennent peu à peu conscience de l'impact récessif et déflationniste sur les économies développées de la dévaluation de la monnaie chinoise. Le carnage à venir serait le résultat indirect de l'« illusion de prospérité » créée par la Réserve fédérale américaine.

LA RECOMMANDATION

L'inquiétude actuelle des marchés d'actions crée une opportunité d'investissement, croit Cimon Plante, vice-président de la Financière Banque Nationale. « Il est vrai qu'à l'échelle mondiale, la grande majorité des entreprises ont perdu une partie de leur valeur boursière. Par contre, bon nombre de sociétés n'ont pas vu leur valeur économique réelle baisser (et si tel est le cas, elle ne l'a pas fait autant que le prix de son action), et c'est là que l'on trouve le profit », rappelle-t-il dans un courriel envoyé à ses clients alors que la Bourse de Toronto baissait de 402 points et le Dow Jones de 501 points.

Photo Mike Segar, Reuters

L’indice S&P 500 a perdu 1,2 % de sa valeur hier, tandis que la Bourse de Toronto a perdu 1,3 %. 

Photo Richard Drew, AP

Trader Gregory Rowe works on the floor of the New York Stock Exchange, Wednesday, Jan. 20, 2016. Energy stocks are leading another sell-off on Wall Street as the price of oil continues to plunge. (AP Photo/Richard Drew)