Des centaines d'employés d'IBM Canada se sont sentis floués lorsque l'entreprise a fait disparaître des avantages sociaux sur lesquels ils comptaient pour prendre leur retraite.

Ils peuvent enfin commencer à raconter leur histoire cette semaine à la Cour supérieure dans le cadre d'un recours collectif.

«Ça fait 83 mois que j'attends cela», a déclaré à La Presse Affaires le représentant du groupe, Jean Samoisette, lors d'une pause dans l'audition de la cause, hier matin, au palais de justice de Montréal.

«Il y a deux éléments en cause: une prime de raccordement et une allocation de soins de santé, a-t-il poursuivi. Pour moi, ça représente 25% de ma retraite.»

Alors qu'elle connaissait de sérieuses difficultés financières au début des années 90, IBM a instauré une prestation de raccordement pour encourager les retraites anticipées. Elle s'engageait à verser cette prestation du moment du départ à la retraite anticipée jusqu'au 65e anniversaire de l'employé.

IBM a également annoncé le remplacement du régime de retraite à prestations déterminées par un régime de retraite à cotisations déterminées.

Alors que le montant des prestations est garanti en vertu du régime à prestations déterminées, il est tributaire des marchés dans le régime à cotisations déterminées.

Les employés existants d'IBM pouvaient cependant choisir de demeurer au sein du régime à prestations déterminées, auquel était attachée la prestation de raccordement.

Les employés ont opté pour le régime existant.

«Tous, sans exception, ont choisi «un tien vaut mieux que deux tu l'auras», a déclaré Me Bruce Johnston, l'avocat de Jean Samoisette et du groupe d'employés, au juge François Duprat. Ils ont choisi la sécurité.»

Une dizaine d'années plus tard, en 2006, IBM a fait savoir à ses employés qu'elle allait éliminer la prestation de raccordement ainsi que la couverture pour soins de santé après l'âge de 65 ans.

«Ç'a été un choc», a déclaré M. Samoisette à La Presse Affaires, soulignant que les calculs qu'il avait effectués pour planifier sa retraite tenaient compte de la prestation de raccordement.

Dans son cas, les modifications représentent une perte de 152 800$. Pour l'ensemble des employés touchés, soit environ 400, l'enjeu serait d'environ 50 millions de dollars.

Me Johnston a soutenu qu'IBM n'avait pas procédé à ces changements parce qu'elle était en difficulté financière, mais parce qu'elle avait promis aux actionnaires une croissance de son bénéfice par action «dans les deux chiffres».

«Une promesse lancée aux actionnaires ne donne pas le droit de violer une promesse aux employés», a-t-il soutenu.

L'avocat représentant IBM Canada, Me Sylvain Lussier, a fait valoir que l'entreprise n'avait pas touché aux prestations de retraite.

Selon la défense, IBM a le droit de modifier les régimes d'avantages sociaux tant que cette modification ne touche pas les bénéfices acquis.

Or, au moment de la modification, M. Samoisette n'était pas encore admissible à la prestation de raccordement parce qu'il ne remplissait pas les critères requis: avoir 55 ans ou compter 30 ans de service.

Comme il n'avait pas encore 65 ans, il n'avait pas droit non plus à la couverture pour soins de santé.

«Il ne s'agit pas d'un droit qui s'acquiert au fur et à mesure, a affirmé Me Lussier. C'est un droit qui s'acquiert à la retraite si le programme est encore en vigueur.»

«IBM est un citoyen responsable, envers ses employés et envers ses actionnaires», a-t-il soutenu.