Leur principal client, la Chine, va mal. Le dollar américain grimpe toujours et éclipse leur devise. Les cours des matières premières sont au plancher... Plusieurs facteurs sont réunis pour déclencher une grosse tempête dans les pays émergents.

Certes, les devises de ces pays sont déjà dans l'oeil du cyclone : - 15,5 % pour la livre turque, - 8 % pour le ringgit de la Malaisie et, surtout, presque - 22 % pour le réal brésilien, maintenant à son plus bas en 12 ans. Depuis le début de l'année, plusieurs monnaies des pays jadis en forte croissance s'effondrent face au tout-puissant billet vert américain.

Au final, l'indice MSCI des devises émergentes, qui résume les tribulations monétaires de 25 pays, est tombé à un creux de cinq ans la semaine dernière. Et fait inquiétant, les monnaies du Sud-Est asiatique n'ont jamais été aussi faibles depuis la sévère crise monétaire de 1997-1998, qui avait balayé toute la région et les Bourses mondiales.

Normalement, la baisse d'une monnaie est, selon la théorie économique, une bonne nouvelle pour un pays car cela stimule les exportations. Mais pas cette fois-ci.

La croissance économique de certaines vedettes émergentes, dont le Brésil, l'Indonésie ou le Chili, est à son plus bas depuis six ou sept ans. La firme Capital Economics évalue que les exportations des marchés émergents, au lieu de croître, ont diminué de 14,3 % (variation annualisée) de mars à mai. Il s'agit de la plus forte baisse depuis 2009, soit au plus fort de la crise financière américaine.

Le cas extrême : le Venezuela dont la monnaie nationale, le bolivar, vaut moins de 1 cent US sur les marchés non officiels. Une culbute d'environ 75 % sur cinq ans.

L'ironie, c'est que les autorités monétaires et les gouvernements de certains pays ont eux-mêmes orchestré une dévaluation de leur devise, il y a un an, en abaissant les taux d'intérêt pour accroître leur compétitivité et stimuler l'exportation.

Mais cette stratégie a échoué. « Là, on parle de plus en plus de hausser les taux », affirme un cambiste cité par Bloomberg, la semaine dernière.

MATIÈRES PREMIÈRES, CHINE ET FED

Que se passe-t-il ? Essentiellement, quatre facteurs expliquent les ennuis des pays émergents :

• L'économie mondiale au ralenti. La demande en provenance de l'Europe et des États-Unis reste faible, malgré une reprise américaine prometteuse.

• Les prix dégonflés des matières premières. Dans un contexte aussi difficile, la consommation de métaux, de pétrole et de diverses ressources naturelles a diminué, entraînant les prix en forte baisse. Or, les matières premières, c'est la « principale source de revenus de nombreux pays émergents », explique la banque BNP Paribas.

Ainsi, le Chili a vu sa monnaie (peso) fondre de 8 % cette année alors que le cours du cuivre, dont le pays est le plus grand producteur mondial, a fondu de 17 % durant la même période.

• La Chine. Hormis le récent krach de la Bourse de Shanghai qui inquiète beaucoup les investisseurs, l'économie chinoise également en arrache. Surtout le secteur manufacturier et l'immobilier, deux gros consommateurs de matières premières.

• La Fed. Tout le monde s'attend à ce que la Réserve fédérale américaine augmente les taux d'intérêt d'ici la fin de décembre. Cette décision, pourtant largement anticipée, risque d'accélérer l'envolée du billet vert au détriment des devises plus fragiles.

MENACE ÉCONOMIQUE

La glissade des devises émergentes n'est pas juste une tempête dans le verre des marchés financiers. Elle pourrait avoir des effets profonds sur le plan économique. Une monnaie plus faible rend les importations de machinerie et produits manufacturés en Occident plus coûteuses, ce qui stimule l'inflation. Et la rentabilité des entreprises locales en souffre.

L'Indonésie, par exemple, est un important producteur de pétrole. Or, la baisse des cours du brut et d'autres ressources fait mal aux sociétés du pays, dont certaines sont lourdement endettées. Elles pourraient avoir du mal à rembourser leurs emprunts si la dépréciation de la roupie continue.

Sans compter que plusieurs États ont accumulé des dettes libellées en dollars américains, ce qui fait grimper leurs coûts de financement.

Pour le moment, les nuages s'amoncellent à l'horizon, et la tempête n'a toujours pas frappé. Reste que beaucoup d'investisseurs battent en retraite. La Société Générale estime que quelque 14 milliards US - en actions et en obligations - ont été retirés des marchés émergents en l'espace de trois semaines, soit du 7 au 28 juillet.

INFOGRAPHIE LA PRESSE

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