Les amendes de près de 6 milliards de dollars infligées à six grandes banques internationales pour manipulation des taux de change portent atteinte à leur réputation, un peu à leurs bénéfices, mais en l'absence de sanctions pénales, ne changent pas vraiment la donne selon des analystes.

Un milliard de dollars, cela reste une «énorme somme d'argent», reconnaît Gerard Cassidy, analyste spécialiste des banques à RBC Capital Markets.

Mais qu'il s'agisse de Barclays, Citigroup, JPMorgan Chase, Royal Bank of Scotland, UBS ou Bank of America, ces sociétes «ont le capital et les bénéfices suffisants pour encaisser le choc, cela ne va pas affecter leurs comptes outre mesure». JP Morgan Chase à elle seule a dégagé 22 milliards de dollars de profits en 2014.

L'accord conclu avec les autorités américaines et britanniques est même, du point de vue des investisseurs, une bonne nouvelle selon lui: Wall Street et la City abhorrent l'incertitude et connaître enfin le montant des pénalités financières après de longs mois de négociations tendues représente presque un soulagement.

D'autant plus que certaines prédisaient des sanctions plus élevées, et que les banques ont mis de côté suffisamment d'argent ces dernières années pour régler leurs litiges: les réserves juridiques étaient de 3,1 milliards de dollars fin avril chez Barclays, de 5,5 milliards chez JPMorgan à fin mars et de 4 milliards chez Citigroup.

Personne pour s'insurger

De plus, ce ne sont pas tant les banques que leurs actionnaires qui subissent les conséquences financières, «une première fois quand il faut payer les bonus» des courtiers indélicats, «une deuxième fois quand il faut payer les amendes», remarque Christophe Nijdam, secrétaire général de l'association Finance Watch.

«Le problème dans ces grandes institutions est que l'actionnariat est trop éclaté» pour que certains «puissent vraiment taper du poing sur la table», souligne-t-il.

Les régulateurs reprochent aux cambistes de ces grands établissements d'avoir utilisé des forums de discussion sur internet et des messageries instantanées pour se concerter de façon indue afin d'infléchir un taux de référence du marché des changes, sur lequel transitent chaque jour quelque 5300 milliards de dollars.

L'image des banques ne sort pas grandie de ce énième scandale. Mais la réputation des établissements incriminés «a déjà été tellement ternie depuis la crise financière, que cette affaire ne va pas les affecter beaucoup plus», souligne Gerard Cassidy.

Et les établissements ne manquent pas de rappeler qu'ils ont consacré ces dernières années beaucoup d'argent à renforcer leur système de contrôle interne.

Il reste le sentiment d'un système qui ne punit jamais vraiment les responsables.

«Il faudra bien un jour ou l'autre que des comportements illégaux, inacceptables pour la collectivité, tombent dans le domaine du droit pénal», estime ainsi Christophe Nijdam.

Hypocrisie

Plusieurs opérateurs impliqués dans la fraude ont certes été licenciés. Mais pas leurs responsables. «Toutes proportions gardées, c'est un peu comme l'affaire Kerviel», estime l'économiste Dominique Plihon, porte-parole d'Attac. «La hiérarchie n'a pas du tout été inquiétée», regrette-t-il.

Citigroup, JPMorgan Chase, Barclays et Royal Bank of Scotland (RBS) ont, fait assez rare, plaidé coupable, ouvrant ainsi la voie à d'éventuelles poursuites supplémentaires.

Un procès est toujours possible mais «les banques, qui sur cette histoire sont toutes en collusion, ne vont pas se poursuivre entre elles, et il est extrêmement difficile pour un particulier de prouver la fraude et de la chiffrer», relève Gregori Volokhine, gérant de fonds pour Meeschaert Financial Services.

Pour limiter le risque, Citigroup a tout de même déboursé 354 millions de dollars d'indemnités pour solder une plainte en nom collectif.

«Au final, personne ne rend de comptes à la justice, les vrais coupables, ceux qui ont commis des fraudes, ne sont pas envoyés en prison», déplore Gregori Volokhine. Les amendes représentent pour les banques une façon «hypocrite» de «racheter leur comportement» et deviennent «un simple coût supplémentaire à intégrer dans les opérations».