Chaînes aux pieds, l'ancien chef de la direction financière de Cinar est venu raconter en Cour supérieure comment les hauts dirigeants de l'entreprise retouchaient ses états financiers et pigeaient dans ses fonds pour des fins personnelles.

Hasanain Panju a plaidé coupable à des accusations de fraude et d'usage de faux en janvier dernier. Incarcéré depuis, il a commencé à témoigner cette semaine au procès du cofondateur de Cinar, Ronald Weinberg, et de deux autres coaccusés.

M. Weinberg, l'ex-président de Norshield Financial Group John Xanthoudakis et l'ex-président de Mount Real Lino Matteo font face à 36 chefs d'accusation de fraude, de faux, d'usage de faux et de faux prospectus en lien avec des transferts de 126 millions aux Bahamas.

M. Panju a affirmé qu'à la fin de chaque trimestre, il s'assoyait avec M. Weinberg pour réviser les états financiers de Cinar et les ajuster en fonction des attentes des analystes. Cela pouvait être aussi simple que de déplacer la vente d'un épisode de dessin animé d'une catégorie comptable à une autre. Mais il fallait également faire en sorte que le compte de prêts soit en situation de crédit, et non pas de débit.

M. Panju a soutenu que les hauts dirigeants de Cinar, dont M. Weinberg, sa conjointe et cofondatrice de Cinar Micheline Charest et lui-même, avaient accès à ce compte. Ils y puisaient de l'argent pour le transférer à Globe-X, une entreprise des Bahamas liée à Norshield. Globe-X effectuait par la suite des transactions qui se traduisaient sur papier par des pertes de change. Les hauts dirigeants se servaient alors de ces pertes pour diminuer leurs impôts personnels.

Le même stratagème permettait de diminuer les impôts de la corporation Cinar et ainsi améliorer ses états financiers.

Il fallait toutefois faire disparaître les traces de ces transactions avant la venue des vérificateurs externes.

M. Panju a noté que Mme Charest, qui est morte lors d'une chirurgie esthétique en avril 2004, ne participait pas aux discussions sur les opérations financières.

L'ancien chef de la direction financière a également décrit comment la haute direction de Cinar avait transféré des fonds aux Bahamas pour obtenir des rendements supérieurs. Avec ces sommes, Globe-X/Norshield faisait l'acquisition de titres de qualité et les donnaient en garantie pour obtenir des prêts et investir dans des titres très risqués, susceptibles d'offrir de meilleurs rendements.

M. Panju a reconnu que cette façon de faire allait à l'encontre des politiques de Cinar.

Il a affirmé qu'il fallait également faire disparaître toute trace de ces marges avant les vérifications externes.

La pression a notamment monté de plusieurs crans au sein de la haute direction en 1999 lorsque l'affaire des prête-noms a entraîné la mise en place d'une vérification spéciale.

Grâce à des contrats de prête-noms signés par de faux auteurs canadiens, Cinar obtenait des subventions de Téléfilm Canada et des crédits d'impôt. Dans les faits, ce sont des auteurs américains qui écrivaient les séries de Cinar.

En octobre 1999, ce scandale a éclaté au grand jour à la Chambre des communes. Quelques mois plus tard, le conseil d'administration de Cinar a réalisé que la direction avait investi plus de 120 millions de dollars aux Bahamas sans son approbation.

Ces événements ont entraîné le congédiement de M. Panju et le départ forcé de Mme Charest et de M. Weinberg.

La comparution de M. Panju se poursuivra la semaine prochaine devant le juge Pierre Labrie et un jury de 14 personnes.