Bank of America (BAC) a accepté jeudi de payer un montant historique de 16,65 milliards de dollars pour mettre fin à des poursuites aux États-Unis liées aux «subprime», les crédits immobiliers à des emprunteurs insolvables à l'origine de la crise financière.

L'accord amiable passé entre la banque américaine et le département de la Justice, des États américains et plusieurs régulateurs est «le plus gros accord civil de l'histoire avec une entreprise individuelle» et couvre «des conduites mises au jour dans plus d'une dizaine d'affaires et d'enquêtes», a souligné le ministre de la Justice, Eric Holder.

Lors d'une conférence de presse à Washington, il a évoqué «une avancée historique dans nos efforts pour protéger le peuple américain de la fraude financière, et pour tenir responsables ceux dont les actions ont menacé l'intégrité de nos marchés financiers et sapé la stabilité de notre économie».

Les autorités américaines reprochaient à Bank of America la commercialisation avant la crise financière de 2008 de placements complexes, adossés à des crédits immobiliers toxiques mais présentés comme des investissements sûrs. Ils ont au final généré des milliards de dollars de pertes pour ceux qui les ont achetés.

«C'est un peu comme aller à l'épicerie du quartier pour acheter du lait frais, et découvrir que les employés du magasins savaient qu'il avait été laissé dehors sur une plateforme de chargement, non réfrigéré, pendant toute la journée de la veille, mais ne vous l'ont jamais dit», a commenté un autre responsable du DoJ, Tony West.

Bank of America a fait valoir que les faits reprochés avaient essentiellement eu lieu au sein de ses filiales Countrywide et Merrill Lynch, avant qu'elle ne les rachète.

L'accord amiable représente un montant dépassant ses bénéfices nets cumulés pour les années 2011 à 2013 (un peu moins de 14 milliards de dollars) mais il met fin à d'importantes incertitudes liées aux crédits immobiliers.

C'est «dans le meilleur intérêt de nos actionnaires, et nous permet de continuer à nous concentrer sur l'avenir», a estimé le directeur général Brian Moynihan.

Joe Morford, un analyste de RBC Capital Markets, relève dans une note que l'accord est plus coûteux qu'initialement anticipé, mais qu'il «retire une importante épée de Damoclès au-dessus du titre et ouvre la voie au retour prochain à des bénéfices normaux» pour la banque.

Une analyse partagée à la Bourse de New York: l'action BofA a clôturé sur une hausse de 4,12% à 16,16 dollars.

Possibles poursuites individuelles 

Dans le détail, BofA va verser un total de 9,65 milliards de dollars (7,26 milliards d'euros) d'amendes au département de la Justice, qui s'adjuge la part du lion à 5 milliards, à 6 États américains, qui avaient ouvert des enquêtes (Californie, Delaware, Illinois, Kentucky, Maryland et New York), ainsi qu'au gendarme boursier (SEC) et à l'agence de garantie des dépôts bancaires (FDIC).

S'y ajouteront des mesures évaluées à environ 7 milliards de dollars et censées apporter des compensations aux consommateurs. Bank of America a notamment accepté de renégocier des crédits immobiliers pour des emprunteurs en difficulté, ou encore d'aider à la construction de logements abordables destinés à la location.

Un contrôleur indépendant sera également nommé pour vérifier la bonne application de l'accord.

Cela va se traduire pour la banque par une charge avant impôts de 5,3 milliards de dollars et probablement une perte nette au troisième trimestre, mais cela lui permettra aussi d'échapper à des poursuites civiles d'une série d'organismes gouvernementaux et de régulateurs.

Elle a en revanche dû admettre sa responsabilité, et l'accord n'écarte pas de potentielles poursuites pénales, ou contre des individus.

Des médias américains évoquent en particulier un dossier en préparation contre Angelo Mozilo, le cofondateur de Countrywide. Cet établissement financier est devenu l'un des symboles des dérives du secteur financier pour avoir vendu des milliers de prêts à des ménages insolvables.

Le record de l'accord amiable individuel le plus coûteux dans le secteur bancaire aux États-Unis était détenu jusqu'ici par JPMorgan Chase, qui avait accepté en novembre de verser 13 milliards de dollars pour éviter des poursuites dans un dossier également lié aux prêts subprime.