La réduction de 20% des crédits d'impôt consentis aux entreprises a pris au dépourvu Montréal International ainsi que les secteurs des sciences de la vie et de l'exploration minière, qui craignent désormais un recul des investissements privés.

Entreprises étrangères

Les crédits d'impôt constituent souvent un «élément important» dans le processus décisionnel des entreprises étrangères qui songent à s'établir au Québec, dit Christian Bernard, économiste en chef de Montréal International.

«Nous sommes très inquiets de l'impact que cette décision pourrait avoir sur l'attractivité du Grand Montréal, affirme-t-il au cours d'un entretien téléphonique avec La Presse Affaires. Les crédits d'impôt sont une composante essentielle de notre coffre d'outils.»

M. Bernard estime que Québec va «à contre-courant» de la tendance actuelle en Amérique du Nord, plusieurs États ayant bonifié leurs programmes d'aide financière aux entreprises ces dernières années. «Il y a actuellement une véritable escalade dans ce domaine», note-t-il.

Déjà, des entreprises ont communiqué avec Montréal International pour en savoir plus sur les coupes. «Elles refont leurs calculs et peut-être que pour certaines d'entre elles, Montréal ne sera plus la meilleure destination où investir», prévient Christian Bernard.

Celui-ci reconnaît qu'il y a «probablement du ménage à faire» dans les crédits d'impôt, mais soutient qu'il ne «faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain». Il déplore que la baisse de 20% s'applique à toutes les industries sans distinction. «Il est pourtant stratégique de cibler certains secteurs d'avenir qui contribuent grandement au PIB [produit intérieur brut] et où les salaires sont élevés.»

Sciences de la vie

La baisse du crédit d'impôt pour recherche scientifique et développement expérimental (RS&DE) touchera d'abord et avant tout les PME, à qui l'on doit 65% des emplois du secteur des sciences de la vie, souligne Michelle Savoie, PDG de Montréal InVivo.

«Les crédits d'impôt sont prévus aux budgets des entreprises, de sorte que leur diminution se traduira par une baisse des revenus pour elles, indique Mme Savoie. Les PME devront trouver du financement ailleurs pour compenser, possiblement du côté du capital de risque.»

Pour l'instant, Michelle Savoie ne craint pas que la réduction des crédits d'impôt entraîne des pertes d'emplois ou la disparition d'entreprises. Montréal InVivo prévoit toutefois formuler des recommandations au gouvernement à l'automne dans l'espoir d'obtenir une amélioration des programmes d'aide destinés au secteur des sciences de la vie.

Benoit Rémillard, d'Emergex, firme-conseil en crédits d'impôt, relève néanmoins que les entreprises n'absorberont que les deux tiers de la baisse du crédit d'impôt pour RS&DE. En effet, le crédit d'impôt fédéral équivalent augmentera et compensera pour le tiers de la baisse.

Le président d'Emergex, Pierre Savignac, croit que Québec pourrait revenir sur sa décision. Il rappelle qu'en 2005, le gouvernement Charest avait relevé les crédits d'impôt deux ans après les avoir diminués, à son arrivée au pouvoir.

Environ 6800 entreprises font de la recherche et développement au Québec, soit environ 3% de toutes les entreprises dans la province.

Exploration minière

Pour l'industrie minière, la réduction du crédit d'impôt relatif aux ressources tombe bien mal, les investissements en exploration étant en chute libre depuis 2011.

L'annonce «arrive au moment où nos sociétés d'exploration sont à court de liquidités et doivent sabrer leurs dépenses», constate Valérie Fillion, directrice générale de l'Association de l'exploration minière du Québec (AEMQ).

Il faut toutefois préciser qu'en 2012, le gouvernement Charest avait décrété une baisse encore plus importante du crédit d'impôt relatif aux ressources. Cette baisse devait entrer en vigueur en janvier, mais un sursis d'un an avait été accordé en décembre par le gouvernement Marois.

Même après la coupe de 20%, l'aide fiscale à l'exploration minière demeurera plus généreuse au Québec que dans les autres provinces. Par contre, le coût de maintien des titres miniers (claims) y est plus élevé, d'après l'AEMQ.

Selon l'Institut de la statistique du Québec, les entreprises minières comptent investir 374 millions de dollars en exploration en 2014. Si ces intentions se concrétisent, ce serait la première hausse de ces investissements en trois ans.

Fabrication

Manufacturiers et exportateurs du Québec juge «relativement raisonnables» les coupes appliquées aux crédits d'impôt.

Il faut dire que le premier budget Leitao prévoit plusieurs mesures en faveur des PME du secteur de la fabrication, dont la baisse de 8 à 4% du taux d'imposition et la mise en place de Créativité Québec, un programme d'aide à l'innovation de 150 millions.