Coup de tonnerre pour BNP Paribas: la banque française est menacée d'une amende record et d'un retrait de sa licence bancaire aux États-Unis où elle est accusée d'avoir contourné l'embargo contre Cuba, l'Iran et le Soudan.

La pénalité s'élèverait à plus de 10 milliards de dollars, affirme jeudi le Wall Street Journal, citant des sources proches du dossier non identifiées.

BNP négocierait pour payer un peu moins de 8 milliards de dollars, écrit le quotidien.

La pénalité serait en tout cas au-dessus de 5 milliards de dollars, a indiqué à l'AFP une source proche du dossier ayant requis l'anonymat.

Ces chiffres sont supérieurs aux quelque 4 milliards de dollars évoqués jusqu'ici et dépassent de loin l'amende infligée en 2012 à la banque britannique HSBC (1,9 milliard de dollars), accusée de complicité de blanchiment, et celle ayant frappé sa compatriote Standard Chartered Bank (670 millions de dollars) pour violation de l'embargo contre l'Iran.

L'amende s'annonce en tout cas comme l'une des plus grosses jamais infligées à une banque aux États-Unis.

Plus grosse amende? 

Les négociations sont menées par le département de la Justice (DoJ), l'équivalent français du ministère de la Justice, et le régulateur bancaire de New York Benjamin Lawsky.

Contactés par l'AFP, ni BNP Paribas, ni les services de M. Lawsky ni le DoJ n'ont fait de commentaires.

Les discussions achoppent encore sur la façon dont devrait être structuré l'accord (plaider coupable ou pas), les licenciements de banquiers fautifs et le devenir de la licence bancaire de BNP.

De la résolution de ces points dépendra le montant final de l'amende, a assuré la source, ajoutant qu'un accord devrait intervenir dans les trois prochaines semaines.

Washington accuse BNP Paribas d'avoir contourné entre 2002 et 2009 des sanctions américaines contre l'Iran, le Soudan et Cuba, en effectuant des paiements en dollars dans ces pays.

Une enquête interne de la banque avait recensé au début d'année un «volume significatif d'opérations qui pourraient être considérées comme non autorisées au regard des lois» aux États-Unis.

Les transactions incriminées ont été effectuées depuis l'Iran, Cuba et le Soudan, pays où elles étaient légales, selon une source.

Seul hic, elles l'ont été en dollars, autrement dit compensées à un moment donné sur le territoire américain, ce qui les rend délictueuses, les États-Unis imposant des sanctions à ces trois Etats.

Un exemple

Selon certains analystes, les autorités américaines veulent faire monter les enchères après avoir été critiquées pour leur clémence envers les banques américaines responsables de la crise financière de 2008-2009.

Le ministre de la Justice Eric Holder «veut faire un exemple. C'est malheureux que ça tombe sur une banque française (mais c'est) elle qui est dans l'oeil du cyclone», estime Gregori Volokhine, gérant de fortune chez Meeschaert Financial Services.

Pour l'ex-procureur fédéral Jacob Frenkel, désormais avocat au cabinet Shulman Rogers, le gouvernement américain «est convaincu qu'il a les éléments pour justifier une amende aussi substantielle».

De l'autre côté, «BNP donne l'impression de vouloir résoudre au plus vite ce problème afin de reprendre normalement son activité», analyse-t-il auprès de l'AFP.

Au-delà du montant, une suspension même temporaire de la licence bancaire de BNP Paribas aux États-Unis aurait des conséquences lourdes alors que l'établissement veut y développer ses activités de banque de financement et d'investissement.

Or une perte de licence lui interdirait de réaliser des transactions en dollars vers ou depuis les États-Unis.

«Perdre le droit de transférer de l'argent en dehors des États-Unis, c'est une atteinte à son métier de base. C'est ce qu'elle essaye d'éviter au maximum», avance M. Volokhine.

BNP a mis de côté 1,1 milliard de dollars pour ce litige mais son directeur général Jean-Laurent Bonnafé a déjà préparé le terrain en disant début mai que l'amende serait «très significativement supérieure» à ce montant.

Une amende de 10 milliards de dollars représenterait plus de quatre fois le bénéfice net réalisé par BNP Paribas au premier trimestre.

La semaine dernière, les États-Unis ont infligé une amende de 2,6 milliards à un autre établissement bancaire européen, Credit Suisse, pour avoir aidé de riches Américains à frauder le fisc.