À 66 ans, Jacques Daoust entreprend sereinement sa nouvelle carrière de politicien professionnel et de ministre de l'Économie, de l'Innovation et des Exportations. C'est d'ailleurs dans son modeste bureau de circonscription, à Verdun, qu'il m'accueille au lendemain de sa première réunion du Conseil des ministres.

Banquier de carrière, ex-président d'Investissement Québec, Jacques Daoust a été maintes fois sollicité pour faire le saut en politique, mais il a toujours décliné les invitations. Il n'avait pas cette soif dévorante du pouvoir que certains politiciens doivent à tout prix assouvir.

C'est le chef libéral Philippe Couillard qui l'a convaincu de faire partie de l'équipe économique qu'il voulait constituer pour l'élection en lui confirmant que son rôle serait de questionner les façons de faire du gouvernement en matière de développement économique et de création de richesse.

«On s'est rencontrés, et la proposition de M. Couillard m'a intéressé. Je lui ai demandé deux jours de réflexion. Le lendemain, un de ses collaborateurs m'a appelé pour me demander où j'en étais. Je lui ai dit que je réfléchissais toujours, mais que c'était positif.

«Dix minutes après, Philippe Couillard me rappelait pour me féliciter de ma décision...», relate, amusé, le néo-politicien.

Il faut croire qu'il avait peut-être des prédispositions pour la vie publique puisque le nouveau député de Verdun a obtenu l'une des plus fortes majorités de la dernière élection. Son prédécesseur libéral avait remporté la circonscription avec 500 voix de majorité en 2012. Jacques Daoust a décroché une majorité de 8901 voix et plus de la moitié des suffrages.

«Curieusement, il s'est créé une chimie instantanée entre les membres du trio économique qu'a constitué Philippe Couillard. J'avais connu Carlos Leitao à la Banque Laurentienne, mais j'ai découvert Martin Coiteux durant la campagne électorale. On est devenus rapidement complémentaires tous les trois.

«Carlos Leitao sera en charge de la planification financière, Martin Coiteux, de la gestion budgétaire et moi, c'est la plus belle job, des revenus», souligne Jacques Daoust.

L'ex-PDG d'Investissement Québec, qui a toujours travaillé en étroite collaboration avec les ministres du Développement économique, connaît bien les rouages de son ministère, dont la portée sera toutefois élargie.

«C'est le ministère de l'Économie, c'est plus vaste que le simple développement économique. On a aussi rapatrié les responsabilités de l'innovation et des exportations parce que ce sont des éléments-clés de la stratégie économique du Québec», précise le ministre.

Deux mandats précis

Le nouveau ministre de l'Économie s'engage donc à procéder à la révision de la pléthore de programmes d'aide et de soutien aux entreprises pour en déterminer l'utilité ou la nécessité.

«On va questionner le système. Est-ce qu'il faut maintenir des programmes qui s'adressent à tout un secteur d'activité ou y aller au cas par cas? On verra, mais il y a moyen de simplifier nos interventions», constate Jacques Daoust.

À cet égard, il rappelle une observation de son chef voulant qu'il y ait beaucoup trop de guichets uniques au Québec... et assure avoir la volonté ferme de réduire le nombre d'intermédiaires dans la chaîne des programmes gouvernementaux.

«Mais ma job, c'est de créer de la richesse. Et pour y arriver, il va falloir travailler sur nos exportations. Cela fait des années que l'on traîne une balance commerciale négative. Il faut exporter davantage et utiliser tous nos outils pour y arriver.»

Jacques Daoust confesse que le premier ministre Couillard lui a confié deux mandats bien précis. Il devra trouver des moyens de maximiser les retombées économiques à partir des surplus d'électricité d'Hydro-Québec et définir une politique de l'aluminium.

«L'électricité compte pour 25% des coûts de fabrication d'un lingot d'aluminium. L'électricité contribue à nos exportations. Il faut en obtenir le maximum.

«On sait que l'industrie de l'aluminium est cyclique et on est prêts à accommoder nos alumineries, mais on doit obtenir des contreparties en retour», avance-t-il.

Jacques Daoust va aussi prendre le temps de regarder le programme des Gazelles que le Parti québécois a lancé et qui vise à soutenir de façon active le développement de 100 PME performantes par année durant 3 ans.

«Je suis totalement d'accord qu'il faut appuyer nos gagnants. Mais il faut s'assurer que cela ne se fasse pas au détriment d'autres entreprises du même secteur. Je n'ai pas lu le programme des Gazelles, je vais d'abord en prendre connaissance», explique-t-il.

Le ministre de l'Économie ne croit pas par ailleurs que les mesures d'austérité que vient d'instaurer le gouvernement pour s'attaquer au déficit plus important que prévu vont avoir une incidence sur la croissance économique à venir.

«Je préfère parler de rigueur plutôt que d'austérité. Ce n'est pas une mesure draconienne que d'annoncer le gel des embauches dans la fonction publique», souligne le ministre.

À 66 ans, Jacques Daoust affirme qu'il a la sérénité de son âge et qu'il aborde le service public comme une nouvelle étape de sa vie qu'il souhaite emballante. Chose certaine, elle sera occupée.