Le tribunal qui entend les dossiers d'arnaque financière, vous connaissez? S'il y a un tribunal qui doit être sans reproches, c'est bien celui-là. Or, depuis un an, le gouvernement péquiste a procédé à trois nominations fort discutables pour diriger ce tribunal, dont un homme qui faisait l'objet d'une enquête de l'AMF.

Depuis un an, le gouvernement péquiste a fait trois nominations fort discutables au tribunal qui entend les dossiers d'arnaque financière.

Un homme est l'objet d'une enquête, un autre est un péquiste bleu foncé, et la troisième personne est une avocate qui ne pourra probablement juger plusieurs dossiers pour manque d'impartialité.

Le tribunal en question s'appelle le Bureau de décision et de révision (BDR). C'est ce tribunal qui entend certains dossiers de l'Autorité des marchés financiers (AMF). Trois membres siègent à ce tribunal de haute importance.

Nomination douteuse

En janvier 2013, le cabinet de la première ministre Pauline Marois y nommait l'avocat Léonard Serafini, du cabinet Gowlings. Me Serafini est alors devenu vice-président de ce tribunal administratif. Or, l'AMF enquêtait alors sur lui, selon des documents obtenus par La Presse.

Devant les contestations de l'AMF, le responsable des nominations et premier fonctionnaire du gouvernement, Jean St-Gelais, décide de démettre Léonard Serafini, en mai 2013. Il le nomme toutefois au sein d'un autre tribunal administratif, soit la Commission municipale du Québec, chargée de veiller aux bonnes pratiques du monde municipal.

Dans ce nouveau poste, Me Serafini, 68 ans, touche un salaire de 133 600$ et bénéficiera d'une indemnité de départ de 56 000$ au terme de son mandat de cinq ans.

Pour le remplacer au Bureau de décision, Jean St-Gelais fait nommer un sympathisant péquiste de longue date, Jean-Pierre Cristel. Avocat de formation, M. Cristel est donateur au PQ depuis plusieurs années. Aux élections de 2012, il était l'agent officiel de Daniel Breton, ce militant devenu ministre du Développement durable qui a démissionné après qu'on eut appris ses problèmes passés avec le fisc et ses fausses déclarations à l'assurance-emploi.

Ce genre de nominations partisanes a expressément été dénoncé par le rapport Noreau, déposé en février. «L'absence de véritables règles de sélection pour la majorité des organismes se prête aux influences partisanes, voire au favoritisme. [...] D'importants pouvoirs décisionnels sont ainsi confiés à des personnes qui n'ont pas toujours les compétences, la légitimité ou la préparation pour les exercer».

Or, «la nature même de cette fonction exige qu'elle soit exercée en toute indépendance. La confiance du public dans la qualité et l'équité de ces décisions en dépend», fait valoir l'étude des quatre chercheurs de l'Université de Montréal.

Fin de l'histoire? Non. En janvier 2014, le président du Bureau de décision et de révision, Alain Gélinas, est démis de ses fonctions, après 10 ans de service. Dans le milieu, la nouvelle surprend, étant donné les états de service remarquables de Me Gélinas, titulaire d'un doctorat en valeurs mobilières.

Pour le remplacer, le gouvernement nomme la procureure chef de l'AMF, Lise Girard. Me Girard est celle qui a chapeauté les poursuites contre les arnaqueurs, ces dernières années, dont le Bureau de décision a souvent été saisi. Ce faisant, constate-t-on, elle devra se retirer dans plusieurs dossiers pour apparence de manque d'impartialité.

Des coûts engendrés

Cette nomination n'est pas à coût nul pour le gouvernement. La rémunération globale de Me Girard atteint 190 308$, soit environ 56 000$ de plus que son prédécesseur, Alain Gélinas. Me Girard aura également droit à une indemnité de départ équivalant à un mois de salaire par année de service.

Le responsable des nominations au bureau de Pauline Marois, Jean St-Gelais, s'explique. «Le président du Bureau, Alain Gélinas, m'a appelé pour me dire qu'il n'était pas à l'aise avec la nomination de Serafini, étant donné sa position sur les contrats d'investissements. Alors, j'ai dit à Alain Gélinas: c'est beau, on le change de place et c'est tout», dit M. St-Gelais, qui soutient qu'il n'était pas au courant de l'enquête de l'AMF au sujet de Me Serafini.

Il ne voit pas de problèmes quant à la nomination de Lise Girard. «Elle se récusera le cas échéant et fera traiter par d'autres les dossiers où elle était impliquée. Ce problème va passer avec le temps», dit-il.