Pressé par ses créanciers, le gouvernement portugais compte mettre à contribution les retraités pour combler le trou budgétaire engendré par la censure d'une mesure d'austérité par la justice, une annonce qui a suscité l'ire de l'opposition de gauche et des syndicats.

Saisie par le président Anibal Cavaco Silva, la Cour constitutionnelle avait invalidé le 19 décembre une mesure du budget 2014 prévoyant des coupes de près de 10 % dans les pensions des fonctionnaires supérieures à 600 euros par mois.

Le choix d'une alternative à cette mesure, qui représentait une économie évaluée à 388 millions d'euros, était indispensable pour permettre au Portugal d'atteindre son objectif de ramener son déficit public à 4 % du PIB cette année.

Une mesure de remplacement «de haute qualité» était également une condition exigée par la troïka (UE-FMI-BCE) des créanciers du Portugal pour débloquer la tranche de crédit de 2,7 milliards d'euros prévue dans le cadre du dernier examen trimestriel des comptes.

L'alternative présentée jeudi soir par le gouvernement de centre droit frappe à nouveau les retraités de la fonction publique, mais cette fois-ci aussi ceux du secteur privé, qui seront désormais plus nombreux à acquitter une contribution extraordinaire de solidarité (CES).

Cette contribution, dont le taux varie actuellement entre 3,5 et 10 % pour les retraites supérieures à 1 350 euros par mois, pourrait désormais s'appliquer à partir de 1 000 euros, selon les projets étudiés par le gouvernement dont les détails seront dévoilés prochainement.

Parallèlement, les cotisations d'assurance maladie des fonctionnaires devraient passer de 2,25 % à au moins 3 %.

«Ce sont toujours les mêmes qui trinquent, les retraités et les fonctionnaires. Le gouvernement a trouvé une manière perfide de se venger après le verdict de la Cour constitutionnelle», s'est insurgée Maria do Rosario Gama, présidente de l'Association des retraités.

Pour Armenio Carlos, secrétaire général de la CGTP, première confédération syndicale du pays, la taxation des retraites est une «mesure immorale» qui va «encore amputer le pouvoir d'achat des ménages».

«Faire les poches aux pauvres»

Ces «mesures transitoires» évitent le recours à «une hausse des impôts pour ne pas mettre en péril la reprise économique», avait fait valoir jeudi le porte-parole du gouvernement, Luis Marques Guedes. Un temps envisagée, une hausse de la TVA a été finalement écartée.

Privilégiant la réduction des dépenses, la troïka avait mis en garde contre des mesures de substitution susceptibles de «représenter un risque accru pour la croissance et l'emploi».

Pour le Parti socialiste, principale formation de l'opposition, le plan B du gouvernement revient à «augmenter de manière déguisée les impôts» et «accroît les inégalités», alors que le Parti communiste a accusé le gouvernement de «faire les poches aux pauvres».

«Cette mesure affectera les pensions de retraite plus basses et est donc plus injuste que celle qui vient d'être censurée par la justice», a commenté à l'AFP Joao Cesar das Neves, professeur d'économie à l'Université catholique de Lisbonne.

Malgré ce tollé, le gouvernement n'est pas près de tourner la page de la rigueur: «le retour du Portugal sur les marchés est compromis si le pays donne l'impression de ne pas pouvoir respecter son objectif de déficit», avait prévenu Subir Lall, chef de la mission du FMI pour le Portugal.

Le verdict négatif de la Cour Constitutionnelle a laissé de marbre les marchés, et les taux d'emprunt du Portugal à dix ans sont même redescendus jeudi nettement en dessous des 6 %, profitant d'un mouvement de détente généralisé.

Tout dépendra désormais de l'évolution des taux et des futures décisions de la Cour constitutionnelle qui sera appelée à se prononcer sur d'autres mesures d'austérité avant la sortie du Portugal de son plan de sauvetage programmée pour le 17 mai.