La banque JPMorgan Chase a accepté de payer la somme record de 13 milliards de dollars aux autorités américaines pour mettre fin à des poursuites au civil dans le dossier des dérivés de prêts immobiliers risqués, dits «subprime».

«Le département américain de la Justice (DoJ) ainsi que les États fédérés partenaires annoncent un accord à l'amiable de 13 milliards de dollars avec JPMorgan, le plus important avec une seule entreprise dans l'histoire américaine», a indiqué mardi le DoJ dans un communiqué.

Les titres dérivés des prêts subprime sont à l'origine de la crise financière qui a culminé en 2008 avec la faillite de Lehman Brothers et qui a fait plonger les marchés financiers dans le monde, basculer les États-Unis dans la récession et perdre leur logement à des millions d'Américains.

Dans le cadre de l'accord, JPMorgan reconnaît qu'elle a «donné une fausse image aux investisseurs» des titres qu'elle leur vendait, pour en dissimuler le caractère hautement risqué.

L'accord comprend 9 milliards de dollars de versements, dont 2 milliards de dollars d'amende et 4 milliards déjà annoncés d'indemnisation des organismes de refinancement hypothécaires sous tutelle de l'État Fannie Mae et Freddie Mac.

Il inclut aussi 4 milliards de dollars d'aides aux particuliers, sous la forme notamment d'allègements de prêts, «dans les zones sinistrées du pays», souligne le DoJ.

En outre, 1,4 milliard sera versé à une association de crédit (National Credit Union Administration, NCUA), 515,4 millions de dollars à la FDIC, un régulateur bancaire, le restant allant aux États de Californie (299 millions), du Delaware (19,7 millions), de l'Illinois (100 millions), du Massachusetts (34,4 millions) et de New York (613,8 millions).

«Il ne fait aucun doute que la conduite révélée par cette enquête a contribué à provoquer l'effondrement du marché immobilier», a commenté le ministre américain de la Justice, Eric Holder, cité dans le communiqué.

Pas la seule, mais pas d'excuses

«JPMorgan n'était pas la seule pendant cette période à avoir en toute connaissance de cause titrisé et vendu des prêts toxiques à des investisseurs qui ne le soupçonnaient pas, mais il n'y a aucune excuse pour ce comportement», a-t-il ajouté.

Le DoJ a précisé que JPMorgan ou certains de ses employés pourraient encore faire face à des poursuites pénales.

Pour Erik Oja, analyste de S&P Capital IQ, le point clé restant est de savoir quelle ampleur ces poursuites pénales pourraient prendre.

Jacob Frenkel, avocat spécialisé dans les affaires boursières, estime pour sa part que «si après cinq ans, ils n'ont toujours pas les preuves nécessaires, il n'y aura pas de poursuites pénales».

JPMorgan a provisionné plus de 9 milliards de dollars au troisième trimestre pour être en mesure de payer l'accord avec le DoJ, qui était en négociations depuis des mois. Cela a porté le total des réserves juridiques de la banque à 23 milliards de dollars, et a fait plonger ses comptes trimestriels dans le rouge, une première depuis près de 10 ans.

«L'accord (de mardi) couvre une part très importante des problèmes liés aux titres subprime pour JPMorgan Chase, Bear Stearns et Washington Mutual», s'est félicité dans un communiqué le PDG Jamie Dimon, en référence à deux banques rachetées pendant la crise.

JPMorgan Chase, ex-enfant modèle de Wall Street, a vu ses problèmes judiciaires s'accumuler depuis l'an dernier et l'affaire dite de la «Baleine de Londres», qui a occasionné des pertes de plus de 6 milliards de dollars dans les dérivés de crédit.

Jamie Dimon avait d'abord nié l'importance de ces pertes révélées dans la presse, les qualifiant de «tempête dans un verre d'eau», ce qui avait déclenché l'ire des autorités, qui reprochent à la banque d'avoir cherché à étouffer l'affaire.

M. Dimon a alors pris personnellement les choses en main pour tenter d'apaiser ce qui est devenu une tempête juridique. Il s'était déplacé à Washington fin septembre pour discuter de l'accord avec Eric Holder.

La banque fait encore l'objet d'enquêtes et de poursuites pour corruption en Chine ainsi que pour ses activités dans le courtage énergétique ou encore les manipulations de taux de change.

Les plus fortes pénalités payées par les entreprises aux États-Unis

Les 13 milliards de dollars que la banque JPMorgan s'est engagée mardi à verser s'imposent comme la plus importante pénalité jamais payée individuellement par une entreprise aux autorités aux États-Unis, où les vastes arrangements financiers sont pourtant nombreux.

Voici une liste des principaux arrangements à l'amiable conclus avec les autorités (justice fédérale, États fédérés, régulateurs), qui n'excluent pas des arrangements distincts avec des investisseurs privés.

Janvier 2013: Bank Of America, 11,6 milliards de dollars

La banque américaine annonce un accord global pour régler un contentieux sur des prêts hypothécaires à risque («subprime») au géant du refinancement immobilier Fannie Mae, passé sous le contrôle de l'État lors de la crise de 2008.

Novembre 2012: BP, 4,5 milliards de dollars

Le géant britannique du pétrole reconnaît sa responsabilité dans la marée noire qui a souillé le golfe du Mexique en avril 2010, provoquant la plus grande catastrophe écologique de l'histoire du pays.

Dans le détail, 4 milliards sont versés au ministère de la Justice qui évoque alors l'amende pénale «la plus élevée» de l'histoire américaine. Le reliquat, 525 millions, est perçu par le gendarme boursier américain (SEC).

Juillet 2012: GlaxoSmithKline, 3 milliards de dollars

Le groupe pharmaceutique britannique conclut un arrangement financier pour mettre fin aux poursuites des autorités américaines qui l'accusaient d'avoir fait la promotion illicite de médicaments et publié des déclarations trompeuses sur leur efficacité.

Selon les autorités, il s'agissait alors de la plus lourde amende jamais infligée aux États-Unis dans le secteur de la santé.

Février 2012: cinq banques américaines, 26 milliards de dollars

JPMorgan Chase, Bank of America, Wells Fargo, Citigroup et Ally Bank s'engagent à verser ce montant record pour mettre fin à des poursuites engagées par le gouvernement fédéral et 49 États dans le cadre de saisies immobilières douteuses.

Juillet 2011: Bank Of America, 8,5 milliards de dollars

L'accord est passé cette fois non pas avec les autorités américaines mais avec 530 fonds d'investissement privés qui s'estimaient floués par des crédits immobiliers à risque qui leur avaient été vendus par Countrywide Financial, filiale rachetée par Bank of America.

Septembre 2009: Pfizer, 2,3 milliards de dollars

Au terme d'un accord avec le ministère de la Justice, le groupe pharmaceutique américain accepte de payer cette amende pour solder des litiges sur ses «pratiques commerciales frauduleuses» concernant un de ses médicaments anti-inflammatoires.

Novembre 1998: l'industrie du tabac américaine, 246 milliards de dollars

Les géants américains de l'industrie du tabac (Philip Morris, R.J Reynolds...) s'engagent à verser cette somme colossale à 46 États fédérés américains sur une période de 25 ans afin de couvrir les coûts qu'ils avaient dû engager pour soigner d'anciens fumeurs.