La Cour suprême des États-Unis, connue pour sa bienveillance avec le monde des affaires, a fait sa rentrée lundi avec l'escroquerie du financier Allen Stanford, un des nombreux dossiers économiques qui occuperont son ordre du jour cette année.

Au retour de trois mois de pause estivale, alors que les agences gouvernementales tournent au ralenti pour cause de paralysie financière, la haute Cour à majorité conservatrice s'est d'emblée penchée sur son menu économique, composé pour cette session 2013-14 d'une trentaine d'affaires.

«Ce ne sont pas les affaires les plus sexy, mais elles sont incroyablement importantes», a commenté l'avocat Tom Goldstein, qui préside le site de référence ScotusBlog.

La haute Cour s'est intéressée lundi à des investisseurs de Louisiane et du Texas qui réclament le droit de porter plainte en nom collectif contre des sociétés d'avocats, d'assurances et financières, qui, selon eux, ont rendu possible l'escroquerie d'Allen Stanford.

Surnommé «le petit Madoff», le financier texan a été condamné en juin 2012 à 110 ans de prison pour avoir monté une fraude pyramidale portant sur 7 milliards de dollars. Il avait été reconnu coupable d'avoir trompé 30 000 investisseurs de plus de 100 pays en leur vendant des produits financiers fictifs aux rendements exceptionnels.

En jeu dans cette affaire, comme d'autres présentées à la haute Cour, la recevabilité d'une plainte en nom collectif.

La Cour suprême, présidée par le juge John Roberts, nommé par George W. Bush, ne s'est pas montrée très favorable aux plaintes collectives par le passé: elle a rejeté en 2011 un recours d'1,5 million d'employées se plaignant de discriminations chez le géant américain de la distribution Wal-Mart puis, en 2012 la plainte de dizaines d'abonnés contre la hausse des tarifs de la société de câble Comcast.

L'an dernier aussi, elle a pris position pour le mastodonte de l'agronomie Monsanto dans la plainte d'un petit fermier de l'Indiana.

«Plus favorables aux entreprises»

Au cours des récentes sessions, les exemples n'ont pas manqué. Au point qu'une étude en a conclu que la Cour de John Roberts était «beaucoup plus bienveillante avec les entreprises que les Cours de (Warren) Burger ou de (William) Rehnquist».

Cette étude, publiée en juin par la Minnesota Law Review, montre que dans le top 10 des juges à se ranger le plus facilement du côté du monde des affaires en 65 ans, figurent cinq juges de l'actuelle Cour suprême.

Les deux juges de la haute Cour les plus enclins à voter en faveur des entreprises depuis 1946 sont John Roberts, qui préside la Cour depuis 2005, et Samuel Alito, qui siège dans le camp conservateur depuis 2006.

Depuis la Deuxième Guerre mondiale, «les juges nommés par des présidents républicains sont notablement plus favorables aux entreprises que les juges nommés par des présidents démocrates», notent les auteurs de l'étude, Lee Epstein, William Landes et Richard Posner.

La Cour est actuellement composée de cinq «sages» nommés par un républicain, et quatre par un démocrate. Elle a tendance à «s'emparer de plus d'affaires dans lesquelles une entreprise a perdu devant la justice inférieure, à les renverser pour la plupart (...) et à confirmer des décisions où l'entreprise l'avait emporté», soulignent ces coauteurs.

D'année en année, la chambre de commerce de Washington est son plus grand fournisseur de dossiers. Cette session encore, elle est partie dans la moitié des 28 affaires de l'ordre du jour économique.

En huit ans, la Cour de John Roberts a autorisé les entreprises à financer sans limites les campagnes électorales ou leur a épargné des poursuites pour atteinte aux droits de l'homme à l'étranger, comme dans la plainte d'employés de Shell pour complicité de torture au Nigeria.

Cette année encore, elle se penchera sur le financement électoral, avec dès mardi une affaire très attendue dans laquelle elle dira si un individu doit être limité dans le total de ses dons cumulés à différents candidats ou partis.

Elle examinera aussi le 15 octobre un litige impliquant le groupe automobile allemand Daimler AG pour des accusations de violations de droits de l'homme contre sa filiale Mercedes en Argentine.