Rassurer les marchés secoués par les annonces de la Réserve fédérale américaine (Fed) la semaine dernière, sera l'objectif de la Banque centrale européenne (BCE) qui réunit son conseil des gouverneurs jeudi.

Aucune mesure concrète n'est attendue par les analystes -ni sur les taux, ni sur les outils exceptionnels anti-crise- mais plutôt de nouvelles paroles apaisantes de l'institution monétaire de Francfort sur sa disposition à maintenir sa politique monétaire accommodante aussi longtemps que le nécessitera la situation économique en zone euro.

«Nous n'attendons pas de changement des taux clés de la BCE ce mois-ci mais nous prévoyons plein de mots réconfortants afin de rassurer (ramener à la raison) les acteurs de marché sur le fait que la sortie (des mesures anti-crise, ndlr) n'est pas pour demain», estiment ainsi les économistes de la banque RBS.

Déjà cette semaine, plusieurs responsables de la BCE se sont employés à tenter de calmer l'angoisse qui a saisi les investisseurs à l'idée que la Fed réfléchissait à mettre fin à ses mesures de soutien à l'économie américaine.

La sortie d'une politique monétaire accommodante «est encore lointaine», a affirmé mardi son président Mario Draghi.

«Un renversement de tendance (concernant la politique monétaire) ne serait pas justifié au regard des conditions économiques actuelles», a signifié le même jour Benoît Coeuré, membre du directoire tandis que Yves Mersch, autre membre du directoire, usait du même langage: «il n'y aura pas dans un futur proche de sortie» de la politique actuelle.

Pour Christian Schulz, de la banque Berenberg, «cette communication offensive semble être coordonnée et destinée à faire baisser les écarts de taux d'emprunt (yields) à court-terme» entre pays de la zone euro, qui avaient grimpé après l'annonce de la Fed. Ce qui signifie que les taux consentis par les pays les plus fragiles ont recommencé à augmenter.

«Une sortie des politiques accommodantes est inévitable à un certain moment dans l'avenir. Mais les banques centrales vont prendre garde de ne pas étouffer les signes d'une reprise économique des deux côtés de l'Atlantique trop tôt», ajoute l'économiste.

Face à la tentation de la Fed, M. Draghi a jugé plus que jamais nécessaire son programme OMT de rachat de dette d'États européens en difficulté, controversé en Allemagne où la banque centrale du pays juge qu'il contrevient à l'interdiction faite à la BCE de financer directement les États.

«Je dirais que l'OMT est même encore plus essentiel maintenant que nous voyons des changements potentiels de politique monétaire, avec des incertitudes associées, dans d'autres juridictions de l'économie mondiale», a-t-il dit.

Ce programme, adopté en septembre 2012 mais jamais mis en oeuvre jusqu'ici, a contribué à ramener le calme dans une zone euro dont nombre d'analystes pronostiquaient l'éclatement il y a moins d'un an.

Pour Jennifer McKeown, de Capital Economics, si les récents développements économiques aux États-Unis peuvent justifier la position de la Fed, «la zone euro a encore vraiment clairement besoin d'un soutien de la politique monétaire».

M. Draghi devrait donc répéter comme le mois dernier que la BCE étudie différentes options pour soutenir davantage la région, estime-t-elle encore.

Parmi ces mesures, la possibilité de baisser de nouveau son principal taux d'intérêt, fixé à 0,5 % depuis mai, soit son plus bas niveau historique.

La BCE envisage aussi de baisser son taux de dépôt, celui auquel elle rémunère les dépôts pour 24 heures des banques à ses guichets. Déjà à 0 %, il serait donc porté à un niveau négatif, un terrain sur lequel l'institution ne s'est jamais aventuré.

En outre, la BCE envisage de nouveaux prêts illimités à long terme (LTRO) aux banques ou encore des mesures pour revigorer le marché des ABS, prêts adossés à des crédits. Ceux-ci sont un moyen possible de stimuler l'emprunt des Petites et moyennes entreprises (PME) qui peinent à se financer.

M. Coeuré a souligné cette semaine qu'outre les mesures déjà introduites, «il y a d'autres mesures conventionnelles ou non que nous pouvons déployer si nécessaire».