Christine Lagarde , convoquée fin mai par la justice française, pourrait voir sa position à la tête du FMI fragilisée par une éventuelle mise en examen pour son rôle dans l'arbitrage litigieux sur la vente d'Adidas ayant permis à l'homme d'affaires Bernard Tapie d'empocher plus de 400 millions d'euros.

L'avocat de l'ex-ministre de l'Économie de Nicolas Sarkozy a confirmé jeudi dans un communiqué à l'AFP que, «comme cela était attendu depuis plusieurs mois», la Cour de justice de la République (CJR) «a souhaité entendre Mme Lagarde. Une audition aura lieu à la fin du mois de mai». Cette annonce intervient le jour de l'ouverture de l'Assemblée générale du FMI à Washington.

Selon Mediapart, l'audition aura lieu le 23 mai.

«Mme Lagarde aura ainsi enfin l'occasion d'apporter pour la première fois à la Commission (d'instruction de la CJR) les explications et précisions qui l'exonèrent de toute responsabilité pénale», a expliqué Me Yves Repiquet.

Locataire de Bercy de 2007 à 2011 jusqu'à sa nomination au FMI, Mme Lagarde est visée par une enquête pour «complicité de faux et de détournement de fonds publics», concernant son choix de recourir à un arbitrage pour solder un contentieux entre le Crédit lyonnais et Bernard Tapie sur le rachat d'Adidas.

Son domicile parisien avait été perquisitionné fin mars dans le cadre de cette enquête, à la demande des juges de la CJR, l'instance habilitée à juger des ministres pour des actions menées dans l'exercice de leurs fonctions.

Ministre de l'Économie de 2007 à 2011 jusqu'à sa nomination au FMI, Mme Lagarde avait choisi de recourir à un tribunal arbitral, juridiction privée, qui avait condamné en juillet 2008 le Consortium de réalisation (CDR), structure publique gérant le passif du Crédit lyonnais, à verser à M. Tapie 285 millions d'euros d'indemnités (400 millions avec les intérêts).

La commission des requêtes de la CJR a jugé «contestable» le recours à l'arbitrage. De plus, Mme Lagarde est soupçonnée d'«avoir personnellement concouru aux faits», en donnant des instructions de vote aux représentants de l'État dans le conseil d'administration de l'EPFR (Établissement public de financement et de réalisation), l'entité contrôlant le CDR.

L'ancienne ministre a toujours justifié l'arbitrage par la volonté de mettre fin à une procédure, selon elle longue et coûteuse, et démenti toute implication de l'Élysée.

Fin janvier, la directrice du FMI a réaffirmé que ce choix était «la meilleure solution à l'époque».

Pourtant, au printemps 2011, le procureur général de la Cour de cassation, à l'époque Jean-Louis Nadal, avait saisi la CJR, n'épargnant pas Mme Lagarde.

Il lui reprochait d'avoir recouru à un arbitrage privé alors qu'il s'agissait de deniers publics, d'avoir eu connaissance de la partialité de certains juges arbitres, d'avoir fait modifier le protocole initial pour y intégrer la notion de préjudice moral --ce qui avait permis aux époux Tapie de toucher 45 millions d'euros-- et de ne pas avoir exercé de recours contre cet arbitrage controversé, alors que plusieurs spécialistes l'y avaient encouragée.

Dans le volet non ministériel de l'enquête, une information judiciaire a été ouverte en septembre 2012 pour «usage abusif des pouvoirs sociaux» et recel de ce délit au préjudice du CDR. Cette enquête vise implicitement Jean-François Rocchi, le président du CDR, qui avait mis en oeuvre l'arbitrage, et Bernard Scemama, ancien président de l'EPFR.

Dans ce volet, des perquisitions ont également été menées au domicile et au bureau de l'ancien secrétaire général de l'Élysée, Claude Guéant, aux domiciles de Bernard Tapie, de Stéphane Richard, directeur de cabinet de Christine Lagarde au moment de l'arbitrage et des trois arbitres qui en avaient fixé le montant.

Sollicité par l'AFP, le FMI n'a pas souhaité faire de commentaires. Fin mars, l'institution basée à Washington avait indiqué continuer d'apporter sa «confiance» à Mme Lagarde.