Elle a gagné Wimbledon chez les juniors, fait des débuts remarqués à la Coupe Rogers à Montréal l'été dernier et s'approche maintenant du top 100 à sa première année chez les pros. Mais la joueuse de tennis montréalaise Eugenie Bouchard et sa famille affrontent aujourd'hui un adversaire coriace: le fisc.

Son père Michel Bouchard se présentera aujourd'hui devant la Cour canadienne de l'impôt afin de savoir si une société en commandite qu'il a fondée pour financer ses dépenses d'entraînement peut déduire des dépenses de 81 143 $ engagées de 2005 à 2007. S'il obtient gain de cause, cette stratégie fiscale pourrait inspirer plusieurs parents voulant financer la carrière sportive de leur jeune prodige.

En 2005, Michel Bouchard, banquier d'investissement spécialisé en fusions et acquisitions, a fondé une société en commandite responsable d'acquitter une bonne partie des dépenses d'entraînement de tennis de sa fille Eugenie, alors âgée de 11 ans, et d'une autre jeune joueuse de tennis. La société en commandite Tennis Mania avait trois investisseurs, dont Michel Bouchard. «Le principe fondamental en fiscalité, c'est qu'on peut déduire toute dépense encourue dans le but d'avoir un revenu, dit-il. Nous prenions un risque, mais nous savions à travers notre expérience avec les meilleurs entraîneurs juniors qu'Eugenie avait un énorme potentiel. À l'époque, elle était déjà l'une des meilleures joueuses du monde de son âge.» La solution de rechange aurait été de signer un contrat avec une académie de tennis ou une agence comme IMG qui lui aurait trouvé des commanditaires, mais ces arrangements n'étaient pas avantageux à long terme, selon Michel Bouchard.

De 2005 à 2007, la société Tennis Mania a consacré 81 143 $ aux dépenses d'Eugenie Bouchard liées au tennis, tout en lui trouvant des commandites d'une valeur d'environ 15 000 $. Dans les documents déposés en cour, Michel Bouchard fait valoir que sa fille génère 75 000 $ par année depuis 2009, année où la société de commandite a cessé de la financer. Le plan est qu'Eugenie Bouchard rembourse la société avec un rendement de 10 % par année sur les sommes investies avec ses gains au fil de sa carrière. À 19 ans, Eugenie Bouchard est classée 123e au monde en simple et deuxième joueuse au Canada, derrière Aleksandra Wozniak. En carrière, elle a gagné environ 105 000 $ en bourses sur le circuit féminin, sans compter ses commandites.

Refus de l'ARC

L'Agence du revenu du Canada (ARC) refuse de permettre les déductions de 81 143 $ parce que la société en commandite «n'avait pas de but commercial» et n'a pas déclaré de revenus durant les années fiscales en question. Selon l'Agence, les pertes de la société étaient plutôt «des dépenses personnelles pour le développement d'Eugenie Bouchard», d'autant plus que les futurs revenus qu'elle a gagnés au tennis n'auraient pas été octroyés directement à la société.

L'ARC a préféré ne pas commenter la cause, qui sera entendue aujourd'hui par la Cour canadienne de l'impôt à Montréal après avoir été reportée d'un an. L'Agence, qui estimait au départ le témoignage d'Eugenie Bouchard essentiel à la cause, a accepté de commencer la cause en son absence, à condition qu'elle puisse témoigner plus tard, si nécessaire. Résultat: pendant que son père rivalise contre le fisc en cour aujourd'hui à Montréal, la jeune joueuse pourra disputer son premier match au Sony Open de Miami.