Le gouvernement chypriote a reporté à lundi le débat parlementaire sur le plan de sauvetage négocié avec l'Union européenne, les députés semblant réticents à approuver le texte qui prévoit une taxe sur tous les dépôts bancaires en contrepartie d'un prêt de 10 milliards d'euros.

Ce délai risque de forcer les banques à rester fermées à l'issue du week-end si le Parlement ne parvient pas à valider l'aide européenne avant la reprise du travail mardi matin, lundi étant férié.

Le président conservateur élu en février doit s'adresser à la nation dimanche soir pour défendre le plan de sauvetage conclu samedi à l'aube, qu'il a qualifié de «douloureux».

Le Parlement, qui devait se réunir dimanche en session d'urgence pour entamer le processus de ratification du plan d'aide controversé, se réunira finalement lundi à 16 h, heure locale, a annoncé la télévision publique.

Selon la chaîne privée Sigma TV, le président Nicos Anastasiades a repoussé le débat de crainte que le texte ne soit rejeté -- une éventualité qui verrait toute l'économie s'effondrer, avait-il souligné.

Lundi, le gouvernement se réunira pour finaliser le projet de loi devant être présenté au Parlement. Contrairement à toutes les assurances des autorités chypriotes jusqu'à la dernière minute, il comprend une taxe exceptionnelle et sans précédent sur les comptes bancaires de tous les résidants de l'île, allant jusqu'à 9,9 %. Elle est censée rapporter 5,8 milliards d'euros selon l'Eurogroupe.

Sigma TV a indiqué de son côté que M. Anastasiades peinait à s'assurer ne serait-ce qu'une majorité simple pour soutenir le texte au Parlement, dans lequel son parti de droite, le Disy, ne détient que 20 des 56 sièges.

Négociations en coulisses

Le parti socialiste Edek s'est opposé à la mesure dimanche la qualifiant de «catastrophique».

Le parti communiste Akel, qui dispose de 19 sièges, avait rejeté les contreparties exigées par Bruxelles en échange de l'aide lorsqu'il était au pouvoir, jusqu'à l'élection de M. Anastasiades en février.

Même les partenaires du président dans la coalition gouvernementale ont émis des réserves. Le dirigeant du Diko de centre-droite, Marios Garoyian, a indiqué avoir évoqué avec le président la recherche de «solutions alternatives», tandis que certains des neuf députés du parti ont fait part de leur désaccord.

L'ancien président chypriote George Vassiliou, un europhile, a appelé les députés à accepter l'accord affirmant que c'était le seul acceptable pour les pays bailleurs de fonds comme l'Allemagne.

«Les Allemands nous ont dit qu'ils ne pouvaient faire passer un plan de sauvetage devant le Bundestag (chambre basse du parlement allemand) sans un prélèvement sur les dépôts bancaires», a-t-il dit à la télévision d'État de Berlin.

Le président du parlement européen Martin Schulz a estimé pour sa part dimanche, dans l'édition en ligne du Welt am Sonntag, que le plan de sauvetage de Chypre doit être «socialement acceptable» et ne pas toucher les petits épargnants.

L'annonce de cette mesure inattendue a provoqué la colère des clients chypriotes mais aussi leur incompréhension face à une mesure sans précédent dans la zone euro.

«Beaucoup de pays ont des problèmes économiques bien plus graves que Chypre. Pourquoi font-ils cela à Chypre seulement?», pestait dimanche un dentiste, Andreas Hadhigeorghiou.

La télévision d'État a indiqué que les banques pourraient rester fermées mardi, dans la perspective d'une prolongation du processus de ratification.

Selon Sigma, des négociations sont en cours avec la Banque centrale afin qu'elle reste fermée mardi, pour empêcher des retraits massifs de fonds dans un vent de panique.

Chypre avait initialement demandé 17 milliards d'euros. Afin de réduire leur participation à ce prêt, les bailleurs de fonds ont demandé à Nicosie d'instaurer une taxe exceptionnelle de 6,75 % sur tous les dépôts bancaires en deçà de 100 000 euros et de 9,9 % au-delà de ce seuil.

Les taxes sur le capital et les intérêts des dépôts seront entièrement compensées par la distribution d'actions, selon le ministre des Finances Michalis Sarris.

Londres a annoncé pour sa part une compensation pour les militaires et fonctionnaires britanniques résidant à Chypre.