Quand la cigale devient fourmi et qu'elle commence à faire des économies, elle doit apprendre à moduler ses REER selon les différents âges de la vie. Et selon sa tolérance personnelle au risque.

Vers 30 ans, quand on commence à garnir son REER, on peut être porté à chercher du rendement à tout prix. «Le portefeuille typique à cet âge est en effet une proportion de 70% de fonds d'actions et de 30% d'obligations, dit Josée Laframboise, planificatrice financière pour le Groupe financier BMO. C'est le portefeuille de croissance typique. Historiquement, le bloc d'actions rapporte en moyenne 7% de rendement sur 10 ans.»

Mais, prévient Mme Laframboise, «si vous avez l'intention de transformer votre REER en Régime d'accès à la propriété (RAP) pour acheter votre première demeure, allez-y doucement avec les actions: elles fluctuent énormément et pourraient ne pas avoir le niveau financier voulu au moment de l'achat. Si vous jouez la stratégie REER-RAP, je vous conseille un portefeuille plus équilibré.»

Cette stratégie est de plus en plus populaire, comme le rapporte Kathleen Wolfe, planificatrice financière à la Banque Royale. «Des changements récents aux règles hypothécaires expliquent cela. On est incité à épargner davantage pour la première demeure depuis qu'on sait qu'avec un petit dépôt initial et des taux d'intérêt hypothécaires maximaux, on n'a plus que 25 ans pour rembourser l'hypothèque. Devant ces nouvelles conditions, deux répliques: économiser davantage avant d'acquérir (un plus gros REER-RAP) et, de grâce, acheter une moins grosse maison!»

D'autres éviteraient même le REER au début de la carrière d'épargnant. Daniel Laverdière, directeur principal, planification financière à la Banque Nationale, explique: «Vers l'âge de 30 ans, on a bien des obligations financières avec l'hypothèque, le remboursement des prêts étudiants, etc. On en est à ses premiers emplois. On a encore à faire ses preuves et il y a toujours le risque de perdre son emploi. Je conseille de commencer avec un CELI. Si un malheur arrive, on peut puiser là-dedans sans encourir les pénalités fiscales liées au retrait d'un REER. Et puis, je ferais attention avec l'actionnariat. Il y a des jeunes qui résistent mal aux aléas de la Bourse. C'est le moment d'acquérir des connaissances en placement. Après, on peut accélérer les rendements.»

La famille

Pour Hélène Paradis, conseillère en placement chez TD Waterhouse, il y a deux étapes au départ de la course REER. «Il y a le jeune célibataire, puis le jeune couple. Le célibataire devrait mettre au moins 10% de son revenu de côté dans un REER en pensant à la stratégie RAP d'ici 5 à 10 ans, quand il vivra en couple. Pour ça, il faut un portefeuille équilibré: 30% d'actions à dividendes et le reste en obligations.»

«Quand on a deux salaires et acquis la demeure, vers 40 ans, c'est le moment d'aller à fond dans le REER. On fait ses remboursements RAP et on augmente la pondération à risque pour chercher les hauts rendements.»

Jean-François Deschênes, planificateur financier à la Banque Royale, aime mieux parler «d'accélérer doucement» le virage vers le rendement et le risque. «D'après mon expérience, la majorité des clients qui se sont orientés vers des portefeuilles à forte croissance n'ont pas obtenu de rendements vraiment supérieurs à ceux qui ont opté pour des placements équilibrés.»

Préparer le décaissement

À l'étape suivante, vers 50 ou 55 ans, d'après nos experts, c'est le moment de prévoir l'atterrissage, le décaissement éventuel du REER. «On peut être tenté de continuer à fond la caisse dans le REER, constate Jean-François Deschênes. Mais on ferait bien de considérer son taux d'imposition. Certains hauts salariés devraient rechercher des sources éventuelles de revenus retraite moins imposables. Les CELI et les comptes de placements hors REER produiront des sommes non imposables à la retraite, contrairement au REER.»

Et puis, avec un peu de chance, de santé et beaucoup de discipline, vient la récompense: la retraite paisible.