SNC-Lavalin et son ex-assureur, St-Paul Garantee Insurance, s'affrontent au sujet de la couverture pour une fraude de 2,2 millions de dollars commise entre 2000 et 2004 et que la firme d'ingénierie attribue à un de ses ex-employés ontariens.

Selon un communiqué publié par la Police provinciale de l'Ontario le 3 août 2006 annonçant le dépôt d'accusations criminelles, l'ex-employé visé, Derek Mark Sankar, aurait approuvé 188 factures pour le paiement de 4,4 millions, mais dont une somme de 2,2 millions se rapporte à des travaux jamais exécutés.

Nouvel assureur

Dans une poursuite déposée en juin 2006 devant la Cour supérieure de Montréal, SNC-Lavalin réclamait à son assureur des indemnités de 2,2 millions pour la fraude et de 1,8 million pour le remboursement des frais d'enquête engagés pour établir la preuve contre M. Sankar. St-Paul n'a accepté sa responsabilité que pour une partie de la fraude - 692 353$ - et la Cour supérieure lui a donné raison en juillet 2010. La Cour d'appel du Québec vient de faire de même.

Le coeur du litige tourne autour du fait que SNC a changé d'assureur pendant la période de la fraude, avec un tout petit épisode - du 1er juillet au 13 août 2003 - au cours duquel la société n'avait pas d'assurance.

La firme d'ingénierie a fait affaire avec ING de juillet 2000 à la fin de juin 2003. Insatisfaite des tarifs proposés pour la continuation de sa police, elle a sollicité d'autres soumissions et a finalement opté pour St-Paul, à partir du 13 août 2003.

SNC-Lavalin a mis au jour la fraude alléguée de M. Sankar au cours du deuxième semestre de 2004 et en a avisé St-Paul le 4 novembre 2004. L'assureur a accepté d'indemniser son client, mais seulement pour la période de la fraude coïncidant avec le début de sa couverture des risques de l'entreprise, le 13 août 2003.

Règle générale, un nouvel assureur prend le relais du précédent et assure la continuité de la protection, même pour la période antérieure à son arrivée, si la prise de la nouvelle police est immédiatement consécutive à l'échéance de l'autre. Le problème pour SNC-Lavalin, c'est l'intervalle de près de six semaines entre la fin de son entente avec ING et le début de celle avec St-Paul. Cette dernière l'a invoqué pour justifier qu'il n'y avait pas eu de continuité d'assurance, et que SNC ne pouvait donc pas bénéficier d'une indemnisation pour la période de juillet 2000 à août 2003. Les deux tribunaux ont donné raison à St-Paul.

«Comme l'appelante [SNC] a permis qu'expire la police d'assurance au 30 juin [2003], sans même obtenir une couverture temporaire, le temps de trouver un nouvel assureur ou de signer un nouveau contrat d'assurance, elle ne peut prétendre au remplacement de la police d'AIG par celle de St-Paul», écrit le juge Jacques Dufresne, de la Cour d'appel, dans une décision datée du 20 novembre.

SNC a également soutenu que St-Paul a manqué à son devoir de renseignements en ne précisant pas, au cours des discussions préliminaires à la prise de l'assurance, que les risques antérieurs ne seraient pas couverts du fait de l'interruption de la continuité des polices AIG et St-Paul.

La Cour supérieure n'a pas retenu cet argument, entre autres parce qu'elle a estimé que SNC était un client averti. Selon le témoignage livré par Kathy Delaney, souscriptrice principale chez St-Paul, la question de l'interruption de l'assurance et de la non-couverture pour la période antérieure a été évoquée au cours d'une réunion tenue en juillet 2003. Les témoins de SNC ont nié cette affirmation, mais la Cour supérieure a estimé plus crédible la version de Mme Delaney. La Cour d'appel n'a rien trouvé à redire.

La Presse Affaires a tenté en vain de parler aux représentants des deux parties.