Le feuilleton judiciaire qui oppose l'écologiste Ugo Lapointe au géant pétrolier québécois Pétrolia (V.PEA) a pris fin le 6 novembre dernier, a appris La Presse. Les deux parties ont conclu une entente à l'amiable.

«Je suis satisfait, a affirmé le défendeur Ugo Lapointe. Si mon cas peut aider les gens à s'exprimer librement dans des débats publics qui les concernent, tant mieux.»

L'entente est assortie d'une clause de confidentialité, si bien qu'il n'a pas voulu dévoiler davantage de détails, mais il assure avoir obtenu une somme «satisfaisante». M. Lapointe compte en verser une partie à des organismes à but non lucratif.

L'affaire a débuté le 3 décembre 2010. Ugo Lapointe, cofondateur et porte-parole de l'association environnementale Pour que le Québec ait meilleure mine! , avait indiqué en entrevue au journal Le Soleil que les sociétés d'exploitation comme Pétrolia devraient payer des redevances aussitôt l'extraction du gaz ou du pétrole et qu'elles génèrent des revenus.

«Ce sont des ressources non renouvelables, qui appartiennent à tous les Québécois. C'est du vol à petite échelle, mais qui ouvre la porte à du vol à grande échelle», avait-il déclaré.

En janvier 2011, Pétrolia a poursuivi en diffamation Ugo Lapointe, à qui elle réclamait 350 000$ en dommages moraux et exemplaires pour avoir utilisé le mot «vol».

Ugo Lapointe a bâti sa défense autour de la loi contre les poursuites-bâillons, adoptée en 2009 par l'Assemblée nationale. Celle-ci permet à la Cour de déclarer certaines poursuites «abusives» afin de renforcer la liberté d'expression des citoyens dans les débats publics.

Le pari d'Ugo Lapointe a été gagné le 29 juillet 2011, lorsque la juge Claudette Tessier Couture a donné raison à l'écologiste et affirmé que Pétrolia cherchait à «faire taire l'opinion contraire à la sienne».

«Il s'agit d'une grande victoire», a dit M. Lapointe.

Trois mois plus tard, Ugo Lapointe a à son tour réclamé 350 000$ en dommages punitifs à Pétrolia. Une entente à l'amiable a toutefois été conclue, ce qui a mis fin au conflit judiciaire.

Malgré l'adoption de la loi contre les poursuites-bâillons en 2009, la Ligue des droits et libertés déplore le fait que de nombreuses entreprises aient encore aujourd'hui recours aux tribunaux pour «faire taire» les citoyens.

«Selon les informations qu'on a recueillies dans le cadre d'une tournée, on a constaté qu'il y a encore beaucoup de mises en demeure, mentionne Nicole Filion, coordonnatrice de la Ligue. La loi de 2009 n'empêche pas l'intimidation judiciaire.»

Accompagnée du Réseau québécois des groupes écologistes, la Ligue des droits et libertés demande au nouveau ministre de la Justice, Bernard St-Arnaud, d'évaluer l'efficacité de la loi lors de consultations publiques.

«Au moment de son adoption, on avait prévu un mécanisme de révision. On demande à M. St-Arnaud de mettre en oeuvre ce mécanisme, et on désire prendre part au débat en commission parlementaire», a dit Mme Filion.