Stéphan Crétier a fondé la firme de sécurité Garda il y a 17 ans. Il l'a inscrite en bourse il y a 14 ans et n'a jamais regretté son geste ni les nombreuses contraintes de gouvernance qui sont liées à la gestion d'une société publique. Il en a pourtant assez des limites que lui imposent la bourse et il a décidé de privatiser Garda même s'il entrevoit de solliciter à nouveau d'ici quelques années le marché des capitaux publics.

On le voit bien, Stéphan Crétier n'en est pas à un paradoxe près. Ce qui ne l'empêche pas toutefois de se considérer comme un homme conservateur.

Vendredi dernier, le PDG et fondateur de Garda, s'est associé au fonds d'investissement Apax Partners pour lancer une offre publique d'achat sur toutes les actions en circulation de son entreprise.

Apax s'est engagé à acquérir tous les titres de Garda sauf le bloc de 25% d'actions de Stéphan Crétier et celui de 5% des autres dirigeants qui participent à la transaction en roulant leurs titres dans la nouvelle structure de propriété.

Pour convaincre les investisseurs d'accepter leur offre, Apax et Stéphan Crétier leur ont proposé de payer 12 $ pour chacune des actions, ce qui représente une prime de 30% sur le cours de clôture de la veille de l'annonce de la transaction et une prime de 45% sur le prix moyen des trois derniers mois.

Le coût total de la transaction est de 1,1 milliard, en incluant la dette de 650 millions de Garda. L'entreprise spécialisée en solutions de sécurité et en transport des valeurs réalise un chiffre d'affaires de 1,2 milliard et emploie 45 000 personnes en Amérique du Nord, en Amérique Latine, en Europe, au Moyen-Orient, en Asie et en Afrique.

En conférence de presse, Stéphan Crétier a expliqué qu'il n'en pouvait plus de se faire sans cesse rappeler le haut niveau d'endettement de son entreprise autant par les investisseurs que par les analystes financiers. Cette privatisation va lui permettre de mieux gérer la croissance de Garda qu'il veut poursuivre de façon agressive.

En entrevue, Stéphan Crétier poursuit sur la même lancée.

«On a un niveau de dette élevé mais c'est le propre d'une entreprise qui génère de la croissance. Nous on a pas fini la croissance. Il y a un mouvement de consolidation à l'échelle mondiale et on veut y participer.

«On veut devenir l'entreprise canadienne de sécurité qui figure parmi les trois plus grands groupes au monde. Et là, dans les conditions actuelles du marché boursier, on ne peut poursuivre cette croissance parce que les investisseurs ne veulent pas d'une entreprise trop endettée», martèle le PDG.

Le fonds Apax Partners est prêt à accorder à Garda la flexibilité financière qui lui permettra de poursuivre le acquisitions et la croissance interne, explique Stéphan Crétier.

«C'est leur philosophie d'accompagner des entrepreneurs pour amener leur entreprise à se transformer en champion mondial. C'est la raison pour laquelle Apax tenait absolument à ce que le management reste en place et participe à la transaction.

«Leur horizon de placement est de quatre à sept ans et lors de leur retrait on pourrait très bien revenir en bourse et profiter alors de l'occasion pour réduire aussi notre dette», avance-t-il.

Convaincre les sceptiques

Stéphan Crétier confesse que le cheminement de son entreprise n'a pas été de tout repos. Il avoue qu'il a vécu un «near death experience» en 2008 lorsque Garda s'est effondrée à la bourse.

«Toutes les entreprises fortement endettées ont été pilonnées le 15 septembre 2008 quand les banques se sont effondrées. Notre titre qui valait 26$ quelques mois plus tôt est tombé aussi bas que 54 cents. C'était incroyable. J'ai craint un moment qu'on allait y passer», se souvient-t-il.

À cet époque le ratio dette-équité était vraiment trop élevé à 6 admet Stéphan Crétier. Il est aujourd'hui de 4, un niveau qu'il considère tout à fait vivable.

«On est une entreprise qui gère des liquidités. On a pas de gros investissements à faire, on vit donc très bien avec cette dette mais le marché pense le contraire. Ça fait cinq-six trimestres où on sort d'excellents résultats et notre action fait du surplace. Il y a des jours où à quatre moins quart on s'apercevait qu'aucune transaction n'avait été faite sur notre titre», déplore-t-il.

Stéphan Crétier n'a pas réussi à convaincre les sceptiques. Pourtant il l'avait souvent fait dans le passé.

«Quand on est rentré dans les aéroports, tout le monde nous disait qu'on allait se casser la gueule. On est maintenant dans 27 aéroports et on prend le même virage aux Etats-Unis.

«Même chose avec nos activités au Moyen-Orient. Tout le monde nous disait il y a rien à faire là. Il y a cinq ans on réalisait 1,8 millions de revenus là-bas. Cette année on va faire 200 millions et on est rendu à 8 000 employés qui assurent la sécurité des champs pétroliers dans les pays de cette région», souligne-t-il.

Stéphan Crétier passe d'ailleurs six mois par année au Moyen-Orient. Garda y a ouvert son siège social international à Dubaï, mais Stéphan Crétier se rend encore régulièrement sur le terrain des opérations en Irak ou en Lybie. Le PDG de Garda ne prend visiblement pas que des risques en affaires...