La Banque centrale européenne (BCE) fait une nouvelle fois figure de seul recours pour éteindre l'incendie de la crise en zone euro qui menace chaque jour davantage d'embraser l'Espagne et alors que l'avertissement de Moody's envers l'Allemagne entre autres a jeté un froid.

Deux ministres espagnols, celui des Affaires étrangères et de l'Économie, viennent plus ou moins directement de demander à la BCE d'agir. C'est-à-dire de reprendre ses achats d'obligations publiques à l'arrêt depuis plus de quatre mois afin de mettre fin à l'envolée des taux d'emprunt du pays.

Dans le cas contraire, Madrid, qui bénéficie déjà d'une enveloppe de 100 milliards d'euros de ses partenaires européens pour recapitaliser ses banques, se verra contrainte de réclamer un plan d'aide global, comme la Grèce, l'Irlande et le Portugal avant elle, affirme le journal espagnol El Economista.

L'appel espagnol à la BCE a été relayé mardi par le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius.

Ce qui laisse penser que les responsables politiques européens, malgré 19 sommets anti-crise, la création de fonds d'aide, la réflexion sur une union bancaire, se trouvent à nouveau bien démunis face à une situation qui s'éternise et menace de faire tomber un à un les plus fragiles des membres de la zone euro.

Une situation qui commence aussi à affecter les plus solides comme en témoignent la décision de Moody's d'abaisser de «stable» à «négative» la perspective pour la dette publique de l'Allemagne, des Pays-Bas et du Luxembourg, trois pays bénéficiant du fameux triple A. «Sans une action vigoureuse de la Banque centrale européenne, la zone euro pourrait bientôt perdre sa capacité à contrôler la panique sur les marchés», estime Christian Schulz, économiste pour la banque Berenberg.

Erik Nielsen de Unicredit prédit lui que si la situation ne se stabilise pas d'elle-même, «la BCE interviendra avant la fin de la semaine».

Ce qu'elle doit faire, c'est racheter à nouveau de la dette publique, au moins pour une période temporaire, le temps que le futur fonds de secours européen MES puisse effectivement prendre le relais, juge Marie Diron, économiste pour le cabinet de conseil Ernst&Young.

«L'Espagne montre qu'elle fait tous les efforts imaginables donc il est possible pour la BCE d'agir» pour lui porter secours, ajoute-t-elle.

Selon Christian Schulz, l'institution monétaire de Francfort, pour calmer la spéculation, devra en outre envoyer «un signal fort» en affichant un objectif clair au-delà duquel elle ne laissera pas se creuser les écarts de taux entre les pays en difficulté et l'Allemagne, référence en zone euro.

Mais la BCE est-elle prête à entendre ces appels alors que ce programme - adopté en mai 2010 à contrecoeur sous pression des dirigeants européens face à la détérioration de la situation grecque - suscite la zizanie dans ses propres rangs ? La Banque centrale allemande ou celle des Pays-Bas par exemple considèrent qu'il revient à financer les Etats, ce qui est interdit à la BCE par les traités.

Dans un entretien au Monde ce week-end, le président de la BCE, Mario Draghi, a rappelé la répartition des rôles au sein de la zone euro: aux gouvernants de résoudre leurs problèmes financiers, à la BCE d'assurer la stabilité des prix et de contribuer à la stabilité du système financier en offrant les liquidités nécessaires aux banques.

Mais il a aussi dit que «la préservation de l'euro fait partie de notre mandat», et que pour y parvenir, «nous sommes très ouverts et n'avons pas de tabous», laissant la voie ouverte à toutes les spéculations.

Face au manque d'effet de la baisse début juillet de leur principal taux d'intérêt à son plus bas niveau historique (0,75%) et à la faiblesse persistante du marché du crédit malgré leurs deux prêts bon marché sur trois ans aux banques, Marie Diron estime que les gardiens de l'euro doivent désormais envisager une autre voie d'action.

«Ils pourraient envisager de faire de l'assouplissement quantitatif comme font la Fed et la banque d'Angleterre (soit faire marcher la planche à billets, NDLR), ils pourraient aussi envisager d'acheter des obligations d'entreprises et plus seulement d'État», dit-elle.

Quant à la question de la Grèce et des rumeurs de sa sortie de la zone euro qui ont repris de plus belle, «la réflexion est sans doute engagée sur comment éviter la contagion», ajoute l'économiste.