La zone euro a été surprise mardi par l'avertissement de l'agence Moody's à trois pays dont l'Allemagne, déjà en plein débat domestique sur l'aide aux pays du Sud, Grèce et Espagne en tête.

Le ministre espagnol de l'Économie, Luis de Guindos, est d'ailleurs attendu à Berlin mardi dans la soirée.

Moody's a abaissé à «négative» la perspective de l'Allemagne mais également des Pays-Bas et du Luxembourg, ouvrant la porte à une possible perte de leur note «Aaa», la meilleure possible.

La Finlande, la seule désormais avec cette note et une perspective stable parmi les 17 États de la zone euro, n'a pas manqué mardi de se féliciter de cette marque de «forte confiance».

L'avertissement lancé aux trois autres pays n'a cependant pas provoqué la panique sur les places boursières mardi. Vers 6h00 (heure de Montréal), Francfort, Londres et Paris étaient en légère baisse. Milan (-1,32%) et surtout Madrid (-2,95%) accusaient pour leur part davantage le coup.

Berlin a répondu sur un ton légèrement critique à Moody's.

«Cette estimation met surtout en avant les risques à court terme, alors que les perspectives de stabilisation à long terme restent non mentionnées», a déploré le ministère des Finances.

Le président de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, a lui déclaré dans un communiqué que les «fondamentaux» des trois pays visés étaient sains.

Pour Christian Schulz, économiste de la banque Berenberg, il est «improbable que les coûts d'emprunt de l'Allemagne augmentent», faute d'alternative réelle dans une zone euro à la conjoncture chancelante.

L'activité du secteur privé s'y est à nouveau contractée en juillet, et les suppressions d'emplois ont atteint leur plus haut niveau en deux ans et demi, selon une première estimation de l'indice PMI publiée mardi.

Mais selon M. Schulz, l'avertissement de Moody's «affaiblit la stratégie de crise du gouvernement allemand», premier contributeur à tous les plans d'aide.

Cela tombe mal pour la chancelière Angela Merkel, confrontée à une fronde euro-sceptique de deux partis alliés, les libéraux du FDP et les Bavarois de la CSU, malmenés dans les sondages. Elle est aussi régulièrement rappelée à l'ordre par la Cour constitutionnelle sur sa politique européenne.

Le quotidien de centre-droite Frankfurter Allgemeine Zeitung a jugé dans un éditorial que l'annonce de Moody's arrivait «pile au bon moment» pour rappeler à l'Allemagne «qu'elle préjugerait de ses forces en aidant davantage les pays du Sud».

Par exemple la Grèce, qui doit accueillir à partir de mardi la «troïka». Ce groupe de représentants de l'Union européenne, du Fonds monétaire international et de la Banque centrale européenne doit évaluer l'avancement des réformes imposées en échange de l'aide octroyée. De son verdict dépend la poursuite des versements du plan de sauvetage en cours.

La Grèce le dispute à l'Espagne dans la liste des pays qui inquiètent le plus les marchés.

Madrid, qui bénéficie déjà d'une enveloppe de 100 milliards d'euros pour recapitaliser ses banques, voit pourtant s'envoler ses coûts d'emprunt. L'Espagne a emprunté mardi 3,05 milliards d'euros à court terme, devant concéder une fois de plus des taux d'intérêt en hausse, tandis que sur le marché secondaire ses obligations à dix ans restent au-dessus de 7,5%, un niveau jugé insoutenable.

Le pays envisage désormais de recourir à un «plan de sauvetage global assoupli» pour faire face à une échéance de quelque 28 milliards d'euros en octobre, affirme mardi le journal El Economista.

Le ministère allemand des Finances se refusait absolument à tout commentaire sur l'ordre du jour de la rencontre entre M. de Guindos et le ministre allemand Wolfgang Schäuble, qui sera «certainement» suivie d'un communiqué de presse.

Jusqu'ici l'Allemagne affirme que l'Espagne n'a besoin de soutien que pour renflouer ses banques.

La position française est plus nuancée : «J'espère qu'il ne sera pas nécessaire de réintervenir (pour l'Espagne). S'il faut réintervenir, ça peut être une augmentation des 'pare-feux', c'est-à-dire des protections, ou des interventions de la Banque centrale», a déclaré mardi le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius.

Ed Miliband, chef du parti travailliste britannique, a lui indiqué mardi qu'il pensait, comme le président François Hollande, qu'il y avait «urgence» à ce que les pays européens travaillent «entre les sommets» au sauvetage de l'euro.