L'Europe s'est construite par sa façon de réagir aux crises et elle continue ainsi d'avancer aujourd'hui.

C'est le message qu'ont voulu livrer hier certains de ses architectes, présents à la 18e Conférence de Montréal qui se déroule sous de hautes mesures de sécurité.

«Soyez exigeants, soyez critiques envers l'Europe, mais soyez aussi lucides, justes et équitables envers elle», a lancé Michel Barnier, commissaire, Marché intérieur et services, à la Commission européenne, organisme chargé de forger la réglementation des 27 pays membres de l'Union. «Il est inédit que 27 nations veulent mutualiser leur destin de façon démocratique, a-t-il rappelé. Voilà pourquoi c'est difficile et compliqué.»

Il a souligné que le sauvetage des banques espagnoles énoncé samedi dernier faisait la preuve que les mécanismes imaginés pour résoudre la crise actuelle fonctionnent.

Il a tenté aussi de faire comprendre aux observateurs toute la complexité d'une union monétaire de 17 pays, d'un marché commun de 500 millions d'habitants, de 12 millions d'entreprises et de 8300 banques.

L'Europe progresse vers une union bancaire, a-t-il assuré, avec une réglementation pour encadrer les banques, les compagnies d'assurances et les produits financiers.

Pour augmenter la compétitivité de l'Europe, M. Barnier présentera prochainement un nouveau brevet européen pour les inventions industrielles qui éliminera la nécessité pour les entreprises de démarcher dans chacun des pays membres.

La capitalisation de la Banque européenne d'investissement sera aussi accrue pour financer des projets d'infrastructures pour lesquels pourront aussi être émis des project bonds qu'il n'a pas osé qualifier de premier pas vers des euro-obligations.

«Nous allons plus loin dans le partage de nos souverainetés, mais nous voulons poursuivre notre intégration en y mettant plus de démocratie», a-t-il plaidé.

Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France et président de la Banque des règlements internationaux (BRI), a relativisé les difficultés de l'Europe sans en minimiser pour autant l'ampleur. «Le niveau du déficit budgétaire dans la zone euro est deux fois plus petit que celui des États-Unis, du Japon ou du Royaume-Uni», mais la zone euro doit faire progresser son union bancaire et solidifier son système financier.

Malgré son intégration économique élevée, il manque à l'Europe des institutions pour, par exemple, surveiller la compétitivité de ses pays membres ou leur discipline budgétaire.

L'union bancaire est la réforme la plus urgente et le sauvetage des banques espagnoles est un pas dans la bonne direction.

M. Noyer préconise la supervision bancaire à l'échelle européenne, la création d'une forme d'assurance dépôts qui préviendrait la saignée des dépôts (bank run) susceptible de faire mourir une banque en quelques heures et d'engendrer un climat de panique.

Entre-temps, l'Europe s'est attelée à accélérer la mise en place des normes de Bâle III dont M. Noyer a coordonné l'architecture en tant que président de la BRI. Elles devront dès l'an prochain augmenter leur ratio de capitalisation sur leurs actifs, mais aussi adopter la norme comptable de valeur de liquidation (mark to market) pour les obligations gouvernementales qu'elles détiennent.

«La création d'un organisme combinant les fonctions du Federal Deposit Insurance Corporation avec les pouvoirs du système de réserve fédéral serait particulièrement bénéfique pour l'avenir de la zone euro», affirme M. Noyer. Il serait doté de trois pouvoirs: la supervision bancaire, la garantie des dépôts et la résolution des défaillances bancaires.

Cela requerra une volonté politique d'évoluer vers une plus grande union économique et monétaire. «Les plus grandes avancées du projet européen ont toujours été accomplies en réaction aux crises», a-t-il rappelé.

Jean Lemierre, conseiller du président chez BNP Paribas, plus grande banque française, a expliqué que l'adoption de cette norme va accélérer l'assainissement des banques, les inciter à rompre les liens trop étroits qui les unit à leur pays.

Les normes de capitalisation accrue, en revanche, vont les obliger à moins prêter, ce qui poussera les entreprises à se financer davantage sur les marchés.

Cela va créer des difficultés pour les entreprises de taille moyenne, mais elles sauront s'adapter.