La situation des banques espagnoles suscitait toujours des inquiétudes sur les marchés après une accalmie passagère, les interrogations se concentrant désormais sur les modalités du plan d'aide, qui pourrait atteindre 100 milliards d'euros et gonflera la dette publique du pays.

Après être passé dans la matinée sous la barre des 6%, le taux à 10 ans des emprunts espagnols a inversé la tendance sur le marché de la dette et s'est tendu à nouveau à la mi-journée, atteignant 6,34%.

La Bourse de Madrid, qui avait bondi de plus de 5% le matin, entraînant l'ensemble des places financières, réduisait ses gains et progressait de 1,50% à 11h51 GMT.

L'Espagne, qui présente comme une victoire l'accord conclu samedi avec les pays de la zone euro, parlant de «ligne de crédit» plutôt que de «sauvetage», a tenté de rassurer en annonçant qu'elle poursuivrait les réformes engagées depuis le début de l'année pour redresser son économie.

En clair: plus de rigueur, au moment où le pays cherche à ramener son déficit public de 8,9% du PIB en 2011 à 5,3%.

Mais l'exercice sera périlleux alors que le pays, quatrième économie de la zone euro, retombé en récession, se bat contre un chômage record de 24,44%, tente de contrôler le dérapage des finances de ses 17 régions autonomes ainsi qu'un emballement de sa dette publique.

Car le plan d'aide européen aura bel et bien un coût: il prendra la forme d'un prêt qui sera injecté dans le fonds public espagnol d'aide au secteur bancaire (Frob), puis distribué aux banques.

Un taux de 3 et 4% serait «raisonnable», selon un porte-parole de la Commission européenne.

Or si Madrid, qui doit présenter sa requête formelle avant le 21 juin, prend l'intégralité de l'enveloppe, soit cent milliards d'euros, sa dette publique bondira de 10 points pour atteindre un niveau d'environ 90% du PIB fin 2012.

Les fonds prêtés à l'Espagne auront «évidemment» un impact sur la dette espagnole, a confirmé lundi le porte-parole de la Commission, sans le chiffrer.

Le scénario à venir dépendra donc en partie du montant demandé par l'Espagne.

Alors que le Fonds monétaire international (FMI) a évalué les besoins de ses banques à 40 milliards d'euros, le secteur bancaire aurait lui-même évalué le chiffre entre 58 et 60 milliards d'euros, selon le journal Cinco Dias.

Avant de formaliser sa demande d'aide, l'Espagne attend aussi les résultats de deux audits qui doivent être connus dans les prochains jours.

«Je crois que si ce chiffre est inférieur à 50 milliards d'euros, la nouvelle sera très positive pour le secteur bancaire espagnol. Mais si le chiffre est supérieur à 80 milliards, elle pourrait être beaucoup plus négative», remarquait Daniel Pingarron, de la maison de courtage IG Markets.

Pendant que le gouvernement se félicitait ce week-end d'avoir évité un sauvetage global pour son économie, ses partenaires européens soulignaient qu'ils n'avaient en aucun cas signé un chèque en blanc à Madrid, exigeant «des progrès» dans les réformes structurelles «en plus de l'assistance financière».

«Le gouvernement espagnol confirme son engagement à appliquer son programme d'assainissement budgétaire et de réformes», a répondu lundi le ministère de l'Économie.

En même temps, l'Espagne a annoncé qu'elle maintenait son programme de financement à moyen et long terme, soit 86 milliards d'euros pour 2012, déjà couverts à 56,8%.

Ces dernières semaines, les emprunts espagnols avaient atteint des taux quasi prohibitifs, faisant redouter à Madrid de ne plus pouvoir se financer sur les marchés.

Cette poussée de tension, après l'annonce il y a un mois d'un plan de sauvetage de 23,5 milliards d'euros pour Bankia, la troisième banque espagnole par les actifs, avait accéléré la mobilisation de la zone euro pour venir au secours de l'Espagne.

Les craintes également d'une contagion à l'Espagne de la crise grecque auront probablement aussi précipité les choses, à l'approche des élections dans ce pays le 17 juin.

Mais, depuis samedi, en dépit de l'optimisme de façade affiché à Madrid, le ballon d'oxygène annoncé pour les banques espagnoles n'a pas calmé les inquiétudes sur la fragilité de l'économie du pays, le quatrième à recevoir une aide européenne après la Grèce, l'Italie et le Portugal.

«Il faudra encore voir si le prêt européen stabilise et rétablit effectivement la confiance des investisseurs envers l'Espagne, alors que la dette publique devrait augmenter encore d'environ 10% du PIB, rendant les finances de l'État espagnol encore plus vulnérables», s'inquiétait lundi Lee Hardman, analyste de la banque Tokyo-Mitsubishi UFJ.