Hier, le quotidien montréalais The Gazette a fait savoir à La Brasserie Labatt du Canada qu'elle n'enlèverait pas la photo, mise en ligne le 31 mai sur l'internet, montrant Luka Rocco Magnotta, une bouteille de Labatt Bleue à la main. «Nous croyons que la photo est d'intérêt public, dit Mark Bantey, avocat de The Gazette et associé de la firme Gowling Lafleur Henderson. The Gazette n'a pas l'habitude de censurer ou d'altérer des photos.»

Cette réponse fait suite à l'envoi d'une lettre dans laquelle Labatt faisait savoir que cette photo de celui qu'on appelle le dépeceur «dénigre [sa] marque» et que si le quotidien ne la retirait pas de son site, l'entreprise explorerait toutes les options, incluant des «options légales». «Notre but était simplement de protéger notre marque, dit Charlie Angelakos, vice-président aux affaires publiques de La Brasserie Labatt du Canada, dans un message envoyé à La Presse Affaires. En raison de la nature sérieuse de cette histoire, nous pensions qu'il était important de demander qu'une autre photo soit utilisée. Dès que The Gazette nous a expliqué sa position, nous avons rapidement transmis nos remerciements pour la réponse et avons décidé de ne pas donner suite à notre requête. Nous acceptons la position du journal.»

Une tempête sur Twitter

Malgré cela, avec cette lettre et la couverture médiatique qui a suivi, Labatt a créé une tempête sur Twitter. Hier après-midi le hashtag #newlabattcampain (nouvelle campagne de Labatt) est devenu très populaire au Canada, conduisant à plusieurs slogans, parfois de mauvais goût, et à des commentaires comme «Roots n'a rien fait à la suite de la publication de photos de Guy Turcotte».

D'autres commentaires ont démontré à quel point le geste de Labatt envers le quotidien anglophone était jugé exagéré. «L'entreprise a cherché à éteindre un feu et ça lui a explosé au visage, note Frédéric Gonzalo, stratège marketing, communications et médias sociaux. À vouloir contrôler l'information, ça a eu l'effet inverse.»

«C'est pire, car les gens n'avaient même pas remarqué la bouteille Labatt sur la photo, souligne Martine St-Victor, fondatrice de Groupe Milagro Atelier de relations publiques. The Gazette n'a fait que rapporter un fait. La photo était déjà disponible dans les réseaux sociaux. Comme dans le cas d'Oasis, il y a quelques semaines, avant de sortir le code civil, une entreprise doit parler à son représentant en communications! Ce qui est plus malheureux, c'est que Labatt oublie la victime dans cette histoire. Elle aurait plutôt dû communiquer: 'Nous sommes désolés pour la victime. Nous ne sommes liés de près ou de loin à cet homme.' Point final. Labatt a pris la chose au premier degré.»